sábado, 24 de enero de 2015

CARNAVAL BAROQUE À L'OPÉRA-COMIQUE


Thierry Hillériteau



Un an après Platée, William Christie et Robert Carsen retrouvent Favart pour les rares Fêtes vénitiennes de Campra, prototype de l'Opéra-ballet à la française.



D'André Campra, compositeur français d'origine italienne, qui fait la jonction entre les règnes de Louis XIV et Louis XV, on connaît les Grands Motets et surtout l'imposant Requiem, devenu, à la faveur du renouveau baroque, l'un des emblèmes du répertoire sacré du XVIIIe siècle français.
Pourtant, si le musicien s'est frayé un chemin dans les livres d'histoire et les traités d'interprétation entre Lully et Rameau (qu'il admirait au point d'avoir déclaré «cet homme nous éclipsera tous»), c'est d'abord comme réformateur de l'opéra… Et c'est à ce titre que l'Opéra-Comique nous invite à le redécouvrir ce mois-ci, dans ce qui s'annonce comme «la» production événement de la saison pour les amateurs de baroque. Celle qui verra les retrouvailles des Arts Florissants de William Christie et du metteur en scène canadien Robert Carsen, un an après leur exquise et délirantePlatée de Rameau, transposée dans l'univers de la mode avec une indubitable éloquence. Celle, surtout, qui voit la résurrection, trois cents ans après sa création à l'Académie royale en 1710, de l'ouvrage qui fit entrer l'opéra-ballet français dans le siècle des Lumières: Les Fêtes vénitiennes de Campra.
La fureur de Casanova.
«Premier ballet dans le genre comique», cette œuvre fut l'une des plus retentissantes du début du XVIIIe siècle. Elle eut droit à ses propres parodies (Les Fêtes parisiennes ou villageoises), tint l'affiche trois cents fois jusqu'à cinquante ans après sa création et - rançon du succès - eut ses détracteurs, que ce triomphe agaçait. Parmi eux, des Italiens, naturellement, d'autant plus piqués au vif que c'est à l'un de leurs anciens compatriotes qu'ils devaient ce «nouveau style à la française». Parmi eux, un fin connaisseur d'opéra et de la Venise de carnaval fantasmée par Campra: Casanova. Il découvre la pièce en 1750, lors d'un premier séjour à Paris, et ne manquera pas de l'égratigner avec sa verve légendaire.
«Ce spectacle est celui qui fait les délices de la nation. Solus Gallus cantat. Après une symphonie très belle dans son genre, donnée par un excellent orchestre, on lève la toile, et je vois une décoration qui me représente la petite place Saint-Marc vue de la petite île de Saint-Georges.(…)La musique, quoique belle dans le goût antique, m'amuse un peu à cause de sa nouveauté, puis m'ennuie, et la mélopée me désole à cause de sa monotonie et des cris hors de propos. Cette mélopée des Français remplace à ce qu'ils prétendent la mélopée grecque, et notre récitatif qu'ils détestent», lit-on dans Histoire de ma vie.
Deux siècles et demi plus tard, Bill Christie et Robert Carsen entendent laver cet affront, en rappelant «l'excellence» vers laquelle Campra a su tirer, dans cette œuvre aussi lyrique que chorégraphique, l'art du divertissement. Une excellence qui rime - esprit français oblige - avec insolence et esprit galant, voire libertin, que les jeunes chanteurs convoqués (Emmanuelle de Negri, Cyril Auvity ou Marc Mauillon) auront à cœur de défendre. Quant à la mise en scène, elle promet d'évoquer aussi bien les «goûts changeants» du public des fêtes de Venise et la perméabilité des époques que le jeu de dupes entre masques et vérité que constitue le carnaval.

http://www.lefigaro.fr/musique/2015/01/21/03006-20150121ARTFIG00172-carnaval-baroque-a-l-opera-comique.php

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