martes, 1 de marzo de 2016

FESTIVAL D’AIX-EN-PROVENCE 2016. RÉALITÉS, ILLUSIONS, UTOPIES…

L’opéra entretient avec le monde réel des relations d’une infinie subtilité. Il s’en nourrit, le réinvente, l’embellit, le transpose, le modifie à la guise de la créativité des artistes. Telle est la source de ce plaisir infini du chant, des élans de l’orchestre et des chœurs, de cet art qui stimule notre imagination et inspire notre réflexion ...


Par-delà l’imagerie d’un Moyen Âge idéalisé, l’univers de Maeterlinck et Debussy dans Pelléas et Mélisande relève du rêve et du fantasme : l’orchestre, les silences, les non-dits vont sans cesse au-delà des mots. Katie Mitchell amplifie cette dimension onirique à travers le prisme d’une Mélisande omniprésente, entre rêve et réalité.
S’il est un opéra qui traite de la désillusion amoureuse, c’est bien Così fan tutte, œuvre initiatique d’une grâce absolue, non dépourvue d’amertume. Christophe Honoré situe sa mise en scène dans une ville africaine de l’époque coloniale. Le décalage qu’il produit n’exclut nullement la fidélité au récit, mais souligne l’universalité de ce chef d’œuvre.
Le titre même du Trionfo del Tempo e del Disinganno de Haendel sur un livret du cardinal Pamphili dévoile sa visée  moralisatrice : la Beauté et le Plaisir affrontent le Temps et la Désillusion en une lutte bien inégale... Krzysztof Warlikowski s’empare de la fable et l’éclaire des feux de l’adolescence.
Zoroastre se déroule dans un univers inspiré des anciens cultes du monde babylonien. Comme Mozart le fera plus tard dans La Flûte enchantée, Rameau s’inspire de ce monde antique fantasmé pour développer une conception du monde fondée sur les idéaux maçonniques.
Œdipe n’a pas supporté la révélation de son union avec Jocaste, sa mère et son épouse. Il se crève les yeux et se condamne à l’exil. Soulignant la dimension archaïque et intemporelle du mythe, Stravinsky a choisi de le mettre en musique en latin. Peter Sellars revient à la source, relit Sophocle et prolonge l’opéra de Stravinsky par le récit d’Antigone auquel font écho les admirables chœurs de la Symphonie de Psaumes.
Seven Stones, création mondiale de l’opéra d’Ondřej Adámek sur un livret de Sjón : sept pierres, sept scènes qui relient temps bibliques et époque moderne, formant un parcours initiatique au terme duquel la réalité d’un crime, longtemps enfouie, se révélera à la conscience de son auteur.
Autre création mondiale de cette édition, Kalîla wa Dimna de Moneim Adwan, opéra chanté en arabe et parlé en français, puise sa matière narrative dans un très ancien recueil de fables animalières. Ici aussi, les réalités du pouvoir, la corruption qu’il produit et l’utopie d’un changement radical traversent les âges.
L’art peut sembler dérisoire en regard de la violence et de l’effroi qui frappent notre monde. Aussi fragile soit-il face à l’obscurantisme et à la terreur, il nous offre la matière mémorielle, la créativité et la force d’utopie dont nous avons besoin pour survivre aux déflagrations et inventer un futur différent. Chaque communauté de spectateurs réunis par une œuvre d’art constitue une expérience de notre humanité partagée. Cette expérience-là est plus précieuse que jamais.
Bernard Foccroulle
Directeur général

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