domingo, 12 de marzo de 2017

LE MYTHE BARDOT S’INVITE À TEL AVIV À L’OCCASION D’UN FILM D’ESSAI QUI RETRACE SA LÉGENDE

Le cinéaste David Teboul présente son film hommage « Bardot, la méprise » pour la première fois au public israélien. Il revient sur la légende et raconte

DAHLIA PEREZ


Realisateur et scénariste français, David Teboul compte déjà à son actif plusieurs films documentaires remarqués.
« Yves Saint Laurent, 5 Avenue Marceau » et « La vie ailleurs » respectivement réalisés en 2002 et 2007 étaient déjà des œuvres très personnelles.
Présent en Israël notamment à l’occasion de la journée Internationale de la femme, le cinéaste fait d’une pierre deux coups avec la projection inédite d’un documentaire très attendu. « Bardot, la méprise » nous parle, comme son titre l’indique, d’une femme qui fut l’une des plus grandes icônes du cinéma français.
Familier d’Israël où il a déjà vécu durant quelques mois pour des raisons professionnelles, David Teboul aborde sereinement la projection de son film-hommage au Musée d’art de Tel-Aviv. Et pour cause. Brigitte Bardot fascine toujours.
Déjà très bien accueilli à l’étranger, le film revient sur la trajectoire fascinante, et fulgurante, d’une femme devenue star mondiale et symbole d’émancipation pour les femmes dans les années 1960. Sur un ton très personnel et introspectif, David Teboul nous livre un long poème visuel qui magnifie le mythe B.B.
Bien qu’ayant souhaité la participation de l’actrice, qui a refusé, le cinéaste a pu néanmoins s’inviter à la Madrague et filmer l’intérieur de l’ancienne actrice. Bourré d’images d’archives inédites, le film nous propose un portrait bienveillant et peu conventionnel de la star.
Entretien avec auteur qui est aussi amoureux de son sujet.
Le public israélien est très friand de cinéma français, de même que la France aime le cinéma israélien. Comment appréhendez-vous l’accueil du public local et des spectateurs à l’étranger en général ?
C’est la première fois que je présente ce film en Israël et je suis heureux d’être dans cette ville, Tel Aviv, que j’adore et où je me sens bien.
Pour ce film sur Brigitte Bardot que j’ai déjà montré dans beaucoup de pays il y a un vrai enthousiasme, parce que le film parle d’une grande légende.
En Israël, le public aime beaucoup le cinéma français mais je suis toujours étonné que Bardot suscite autant d’intérêt. Des gens qui ont vécu la gloire de Bardot et d’autres beaucoup plus jeunes sont venus voir le film. Et ils sont souvent enthousiastes pour des raisons très différentes !
A quel moment l’idée de ce documentaire s’est-elle imposée ? Aviez-vous une idée de comment BB réagirait au projet ?
C’est venu très tôt parce que j’ai toujours eu envie de faire un film sur Brigitte Bardot. Je n’ai pas voulu faire un film où on parlait d’elle, d’ailleurs dans mon film il n’y a pas d’intervenants ni de commentateurs. J’avais envie de travailler à partir des films dans lesquels B.B. avait joué, et puis à partir des mémoires qu’elle avait écrites.

Quand Arte m’a proposé de faire un film sur elle, j’ai dit oui, à condition de réaliser une œuvre personnelle et intime. Je n’aurais pas aimé faire un énième reportage sur B.B. Mon film est donc un essai, qui parle à la fois de Bardot, mais aussi de la fiction, du cinéma.
Comment êtes-vous entré en contact avec Brigitte Bardot ? Pourquoi s’est-elle montré si rétive selon vous à l’idée d’être filmée alors même qu’elle vous a ouvert ses archives personnelles ainsi que sa maison, La Madrague, quand elle n’y était pas ?
Elle a arrêté le cinéma il y a plus de quarante ans et c’est un monde qui ne l’intéresse plus. Elle m’a dit qu’elle allait desservir le film, et qu’elle n’allait pas bien répondre à mes questions, qu’elle avait en outre fait le deuil de ce moment de sa vie : « Vous avez tout pour fabriquer un film sans moi » m’a t-elle dit.
Et à partir de cette absence, j’ai écrit le film. Elle m’a donné l’autorisation de filmer son intérieur, qui est aussi le fantôme de sa vie. Brigitte Bardot vit avec sa propre légende. C’est peut-être ce qui m’a le plus surpris, en allant à la Madrague : c’est toutes ces photographies, tous ces posters, toute cette présence du mythe Bardot dans son quotidien. Ça m’a beaucoup intéressé.


Dans cette maison où elle vit depuis très longtemps, il y a quand même cette histoire-là, cette histoire de cinéma, mais avec ce renoncement. J’y ai trouvé une très grande ambivalence, qui était troublante.
Vous mélangez dans le film des images d’archives privées et publiques de Brigitte Bardot, tout en mettant en scène l’absence de la star dans vos propres images. Avez-vous par ailleurs déjà imaginé à quoi aurait-pu ressembler ce portrait de Brigitte Bardot si vous aviez obtenu d’elle qu’elle se livre à votre caméra ?
En fait, je n’avais pas envie qu’elle se livre véritablement à la caméra. Je lui ai proposé de monter un film avec des documents, des extraits de films, des interviews, et je voulais qu’elle me parle de ce qu’elle ressentait.
Je l’avais appelé, d’un terme un peu ennuyeux d’ailleurs, « L’inconscient Bardot ». Elle m’a dit : « Écoutez, c’est nul votre truc, je ne suis pas capable de faire ça. Je n’ai pas envie de revenir sur cette période-là. »
Je n’avais jamais imaginé faire une interview avec elle. J’avais simplement envie de l’interroger, et, à partir de ce travail-là, je voulais écrire un film où on entendrait un peu en voix-off son ressenti. Je lui ai fait cette proposition durant cette première conversation qui a été difficile mais elle s’est montrée très fermée.
Dans cette maison où elle vit depuis très longtemps, il y a quand même cette histoire-là, cette histoire de cinéma, mais avec ce renoncement. J’y ai trouvé une très grande ambivalence, qui était troublante.
Je lui ai alors dit que j’étais certain que son père avait fait des petits films en super 8. A cela elle m’a répondu qu’elle ne savait pas où ils étaient, mais elle m’a donné la possibilité de les chercher et de les trouver.
J’ai eu donc accès à tous ces documents. Ce qui m’intéressait beaucoup aussi chez elle, c’était son obstination à avoir quitté le cinéma. A partir de là, j’ai filmé son intérieur et c’est comme ça que j’ai construit aussi mon film.


C’est quelque chose de très intime parce que c’est l’histoire d’un petit garçon (David Teboul, ndlr) qui a découvert Bardot enfant. Il aime les animaux et il tombe amoureux de Bardot, l’amie des animaux. Il la cherche mais ne la trouve pas, parce qu’on ne voyait plus les films de B.B. dans les années 1970.
Plus tard, j’ai oublié un peu les animaux et j’ai vu ‘Le Mépris’. Ça a été un véritable choc. Je me suis beaucoup moins intéressé aux animaux pour aller vers le cinéma, et elle a arrêté de son coté les films pour mettre toute sa célébrité au service de la cause animale. On a fait une sorte de chemin inverse et je le lui ai dit d’ailleurs. Ça me plaît bien, je trouve que c’est une histoire aussi…

Il y a Bardot la femme-enfant, l’ingénue devenue femme fatale, et puis enfin l’icône qui fera fantasmer les Français et émancipera les Françaises. Quelle est la période qui vous a le plus inspiré ?
J’aime toutes les périodes. J’aime l’histoire de cette petite fille qui sort de cette France de l’après-guerre et puis comment elle va influencer les femmes des années 1950, toute l’émancipation de cette période. Elle est devenue l’icône des libertés parce qu’elle a été libre, bien que ce ne soit pas une femme qui se soit battue pour cela, ni qui ait été une militante.
Une des périodes qui m’inspire le plus aussi se situe au moment où elle tourne ‘La vérité’ puis ‘Le Mépris’. C’est une période très intense, parce qu’elle fait deux grands films et qu’elle est au sommet de sa gloire. Et elle ne va pas, d’une certaine manière, rebondir. Elle fera encore des films mais le cinéma ne l’intéressait déjà plus.
Dans mon film, j’essaie aussi d’interroger le rapport complexe entre le réel et la fiction. Sa vie, ses passions, ses amours, et comment la fiction intervenait dans tout çà. Au fond, c’est aussi une grande tragédienne. Elle est devenue une icône du magazine Elle à quinze ans, c’était une très jeune fille et on a souvent tendance à l’oublier.
Dans ‘Et D.ieu créa la femme’ elle n’a que vingt ans et quand elle tourne ‘Le Mépris’, pas encore trente. Quand elle quitte le cinéma, elle en a trente-huit. Elle paraît pourtant déjà une dame à ce moment-là, parce qu’elle a vingt ans de carrière très intense derrière elle. Je ne parle pas de la qualité des films, mais de l’espace qu’elle a occupé. Mon film s’arrête à ce moment-là.

Quand on voit votre film on est souvent amené à penser à Marilyn Monroe. Deux sex-symbols prises au piège chacune du mythe qu’elles ont créé et d’un rapport au cinéma compliqué. Qu’est-ce qui les rapproche selon vous ?
Ce qui les rapproche c’est la célébrité et la façon dont, à un moment donné, leur propre vie ne leur appartenait plus. C’est-à-dire que, la célébrité, à ce niveau-là, vous enferme dans une forme de grande solitude.
Il y a beaucoup de points communs et en même temps il y en a peu, parce que Marilyn Monroe n’est pas du même milieu, et s’intéressait beaucoup au cinéma, ce qui n’était pas le cas de Bardot. Ce sont des femmes très différentes.
Ce qui rapproche Monroe et Bardot, c’est la célébrité et la façon dont, à un moment donné, leur propre vie ne leur appartenait plus.
Chez Monroe, il y a cette passion du cinéma et de la littérature. Bardot est très française, très attachée à la nature, il n’y a pas chez elle ce désir de savoir. Elle a été une grande amoureuse, qui a produit beaucoup de désir et elle a quelque chose de très romanesque.
Ce sont deux grands mythes, sauf que Bardot s’est attachée à détruire son mythe et qu’elle n’y est pas arrivée. La mort qui s’est invitée très tôt chez Marilyn a inscrit en revanche le mythe d’une manière beaucoup plus forte et flagrante. Si Bardot était morte après ‘Le Mépris’, les choses auraient pu être extrêmement différentes.
Brigitte Bardot a été la première femme à oser afficher sa liberté sexuelle, quelques années avant la naissance du MLF. Elle chantait « Je n’ai besoin de personne » et cultivait son indépendance, tout en étant rarement seule durant ces années de gloire. Ce sont toutes ces contradictions qui ont contribué à faire d’elle un objet de fascination et un symbole de son temps ?
Il ne faut pas oublier que lorsque ‘Et D.ieu créa la femme’ est sorti en France ça a été un bide ! Aux États-Unis le film a été un succès et il est donc ressorti en France. C’est les Américains qui ont « validé » ‘Et D.ieu créa la femme’.
Les actrices avant Bardot n’avaient pas ce naturel. C’était une beauté très libre, qui n’était pas figée. Les personnages qu’elle interprétait au cinéma étaient souvent des jeunes filles très libres de leurs corps. Au même moment, Françoise Sagan a écrit ‘Bonjour tristesse’. C’est un peu la même chose. Bardot est une icône des années 1950, et le MLF et tous les mouvements féministes de 68 sont un produit de ça.
Les années 1970 sont en revanche des années de lutte, où les femmes militent contre une exposition du corps. Elles veulent être autre chose qu’un simple objet sexuel. Brigitte Bardot a été le symbole, elle, de la liberté et de la transgression des années 60. On est passé d’une période où Bardot a incarné mondialement cette transgression aux années 1970, qui vont être des années de combat et de lutte.
Ce sont des mondes très différents. Bardot a été un élément fondateur dans la révolte des femmes, mais la nature de son combat n’est pas de l’ordre de l’engagement, mais de la liberté des corps. Les femmes ont pu s’appuyer sur cette liberté.
Il y a des extraits de l’autobiographie de B.B. dans votre film, dont un passage terrible sur son accouchement et son rejet de la maternité. Son fils lui a intenté un procès pour ces pages-là. Comment avez-vous pu composer, avec ce regard amoureux que vous portez sur elle, avec les aspects les moins reluisants de la personnalité de la star ?
Sa liberté, c’était aussi de refuser cet enfant et de ne pas être dans le culte de la maternité. Elle n’a pas supporté de porter le petit. C’est violent, mais, c’est peut-être aussi ça Bardot. Elle est très égoïste.
Elle raconte la difficulté de ne pas avoir joui d’être enceinte. C’est très courageux et libre de le dire, et c’est un élément qui ne me la rend pas antipathique, au contraire. Beaucoup de femmes ont un rapport compliqué à ça, et il y a une censure. Il y a un très bon livre d’Elizabeth Badinter sur la façon dont on a inventé le sentiment maternel. La liberté des femmes, c’est aussi de dire non.
L’actrice a aujourd’hui plus de 80 ans. Elle a quitté la scène depuis quarante ans et vit recluse. Il y a finalement peu de grands films dans sa carrière, son combat pour les animaux est souvent perçu comme hystérique et ses affinités avec l’extrême droite ont quand même contribué à pas mal écorner son image. Alors le mythe Bardot peut-il encore faire rêver les jeunes générations ? N’a-t-il pas vieilli, pour qui jetterait un regard sans complaisance sur la femme qu’elle est devenue ?
Je n’aime pas le mépris qu’elle suscite parfois, parce que la cause animale est un combat que je trouve important. C’est grâce à la maladresse dont a fait preuve parfois Brigitte Bardot qu’on a pris conscience aussi de la gravité de la condition animale.

Aujourd’hui, tout ce qui touche à la sauvegarde de l’humanité, des animaux et de l’environnement sont des sujets essentiels.
Je pense que chez Brigitte Bardot c’est la cause animale qui participera aussi du mythe. Mon film parle de sa mélancolie et mon regard sur elle s’appuie sur une période sur laquelle il y a un fétichisme, les années 1960.
Ce qui est fondamental chez B.B. c’est sa légende, son mythe, et ce qu’elle incarne pour les futures générations.
J’ai fait un film sur la légende Bardot. Tout le reste, au fond, m’intéresse peu.


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