Par Eric Bietry-Rivierre
Trois expositions à Paris
et Pontoise dessinent les contours d'un peintre aux multiples visages. Le Musée
Marmottan-Monet présente, jusqu'au 2 juillet, une rétrospective de l'aîné des
impressionnistes en 75 chefs-d'œuvre.
La rétrospective au Musée
Marmottan-Monet compense le petit nombre d'œuvres (une soixantaine) par leur
qualité. C'est heureux car, avouons-le, l'aîné des impressionnistes mais aussi
des néo-impressionnistes se caractérise par une production inégale.
Sept sections pour une
carrière. On commence par la jeunesse dans les Antilles danoises avec, jamais
vu en France, Deux Femmes causant au bord de la mer (venu de Washington). Le
tableau révèle un jeune néoromantique. En France, le voilà pleinairiste dans
les pas de Corot et de Daubigny, aînés qui le soutiennent (voir La
Varenne-Saint-Hilaire, vue de Champigny, prêt du Musée de Budapest). On goûte
déjà une touche apparente et une palette claire. Effets de neige bleutée,
sentiers en virage à perspective outrée, trouées de lumière ou stries d'ombres:
tout cela brise le pittoresque pour un art essentiellement tendu vers
l'atmosphère du moment. Dès 1867, verts sombres sur bleus clairs: Bords de
l'Oise à Saint-Ouen-l'Aumône (Denver) annonce l'impressionnisme. En 1874, le
mot est lâché. La facture nerveuse, au couteau et à la brosse, de Gelée blanche
à Ennery (Orsay) fait scandale.
Quatre ans plus tôt,
Pissarro, exilé à Londres, a fait la connaissance de Paul Durand-Ruel, le
marchand du groupe avant-gardiste. Fin juin 1871, il est rentré en France. Les
Prussiens ont ravagé sa maison. Plusieurs centaines d'œuvres ont disparu. Ces
marques d'une évolution décisive sont parties en fumée.
«Bien avant les autres,
Pissarro a décelé le génie de Cézanne. Un intense dialogue pictural s'ouvre.
Car Pissarro accepte volontiers l'influence en retour»
Louveciennes (collection
particulière) date de cette année-là. La toile symbolise l'amitié avec Cézanne.
En la copiant, le jeune Aixois éclaircit à son tour sa palette. Bien avant les
autres, Pissarro a décelé le génie. Un intense dialogue pictural s'ouvre. Car
Pissarro accepte volontiers l'influence en retour.
À partir de 1883, il
explore le thème non du portrait mais de la figure. En effet, par petites touches
superposées, les personnages telle la Jeune Paysanne au chapeau de paille
(Washington) fusionnent avec leur environnement.
Sur la même cimaise, La
Cueillette des pommes, présenté à la huitième et dernière exposition
impressionniste en 1886, se distingue par une touche déjà divisée, tandis que
La Charcutière (Tate London), une scène de marché avec foule, flirte avec les
champs de course d'un Degas et aussi le jeune Gauguin. Passés de beaux
éventails décoratifs, quasi symbolistes, des gouaches, crayon et fusains,
parfois sur soie marouflée, la période néo-impressionniste séduit. La
Cueillette des pommes, 1886 (Japon), La Maison de la sourde et le clocher
d'Éragny (Indianapolis) et Seine à Rouen, effet de brouillard (Philadelphie)
sont des chefs-d'œuvre. Pissarro compose de plus en plus souvent depuis sa
fenêtre. Il procédera ainsi pour ses paysages de la dernière période, qui voit
l'abandon du style «scientifique» pour un retour à la sensation.
Jusqu'au 2 juillet, au
Musée Marmottan Monet, 2, rue Louis-Boilly (Paris XVIe). Catalogue Hazan, 208
p., 29 €. Tél.: 01 44 96 50 33. www.marmottan.fr
http://www.lefigaro.fr/arts-expositions/2017/02/26/03015-20170226ARTFIG00108-pissarro-en-visite-chez-l-ami-monet.php
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