sábado, 15 de abril de 2017

MODEST MUSSORGSKY ET SERGEI PROKOFIEV À L'HONNEUR DANS UN CD DISPONIBLE À PARTIR DU 7 AVRIL

L'orchestre de l'Opéra national de Paris, dirigé par Philippe Jordan, reprend la musique des compositeurs russes Modest Mussorgsky et Sergei Prokofiev dans un CD disponible à partir du 7 avril.


PROKOFIEV : SYMPHONIE CLASSIQUE
 C’est au classicisme musical de Haydn que rend hommage le jeune Prokofiev, lorsqu’en 1916, âgé de 25 ans, il entame la composition de sa première symphonie. L’art du compositeur russe, élève de Rimski-Korsakov, formé au classicisme, s’épanouit dans un contexte de subversion artistique et politique. Contemporaine de la monochromatique révolution blanche du plasticien Kasimir Malevitch et de la révolution rouge menée par Lénine, cette Première Symphonie dite « Classique » est créée le 21 avril 1918, en des temps par ailleurs chamboulés par le futurisme littéraire, plastique et musical. Convoquant et assumant pleinement l’esthétique du maître autrichien, elle arbore pour certains les traits d’une figure rétrograde, au regard notamment de l’écriture plus moderne de son exact contemporain, le Premier Concerto pour violon. Des traits dont s’est toujours gaussé Prokofiev, plus révolutionnaire et rebelle que ne le laisse entendre le néoclassicisme qu’il met volontairement en oeuvre. Il s’agit en effet pour lui d’un moyen de provoquer le public bourgeois qui l’attend sur des voies musicales plus radicales. C’est donc avec une évidente facétie qu’il exploite sa parfaite culture classique et postule que l’évolution de la musique se fera par la convocation du passé. « Mon idée était d’écrire une symphonique dans le style de Haydn […] Je pensais que si ce compositeur avait encore vécu, il aurait certainement agrémenté sa musique d’éléments nouveaux, tout en conservant sa façon de composer. C’est une symphonie classique et fidèle à ce principe que je voulais composer. Je l’appelais Symphonie Classique, d’abord pour la simplicité du titre et aussi pour provoquer les philistins et avec l’espoir de vraiment gagner si la Symphonie Classique devait se révéler réellement “classique”. » Débutée en 1916 et achevée en 1917, son écriture a la particularité de se faire sans l’aide d’instruments. La matière thématique de la symphonie est conçue de tête, permettant, selon Prokofiev, un résultat d’une qualité meilleure à celle obtenue avec l’aide du piano. La référence au XVIIIe siècle dicte la tonalité de ré majeur et la composition de l’orchestre, dont l’effectif réduit évoque celui communément utilisé par Haydn et Mozart. Dans ce cadre structurant se développe une musique dont la clarté tonale en appelle au caractère général propre à l’art de Haydn. Adoptant la forme sonate classique, le premier mouvement, Allegro, s’ouvre sur un thème des plus vifs auquel réplique un second motif, dont les grands intervalles piqués au violon s’adjoignent l’accompagnement du basson staccato. Le rythme à trois temps du second mouvement, Larghetto, l’apparente au menuet. Des contrepoints de gammes servent un thème que les aigus du violon exposent dans son introduction. Gavotta, non troppo allegro, est le troisième mouvement de l’oeuvre et le premier à avoir été composé. Par sa netteté rythmique, la gavotte est particulièrement affectionnée par Prokofiev, qui citera celle-ci dans Roméo et Juliette. De forme usuelle ABA, sa partie centrale fait la part belle aux bois. Le Finale, molto vivace clôture cette symphonie en adoptant la vitalité du premier mouvement. En associant structurellement le rondo à la forme sonate, il livre successivement deux thèmes, aux cordes et aux bois, avant que la flûte n’en dispense un troisième, idée mélodique dominante empreinte d’un esprit populaire russe. Avec cette première symphonie, Prokofiev apparaît comme un des initiateurs du grand genre néoclassique en devenir.


MOUSSORGSKY : LES TABLEAUX D’UNE EXPOSITION
 Initialement créés pour le piano, Les Tableaux d’une exposition (1874) sont inspirés d’un ensemble d’œuvres du peintre russe Victor Hartmann, vu par Moussorgski lors d’une exposition-hommage organisée au lendemain de la mort de l’artiste. Affecté par le décès de ce dernier, le compositeur se lance dans l’écriture de cette pièce à programme qui entend dépeindre les déambulations d’un spectateur entre ces peintures, nées des impressions de voyages d’Hartmann à travers la France, la Pologne et l’Italie, mais encore de ses projets architecturaux. Leur composition, échelonnée entre juin et juillet 1874, est évoquée par Moussorgski dans une lettre destinée à son dédicataire Vladimir Stassov : « Mon cher généralissime, Hartmann bouillonne comme bouillonnait Boris, – des sons et des idées sont suspendus en l’air, je suis en train de les absorber et tout cela déborde, et je peux à peine griffonner sur le papier ; je suis en train d’écrire le no 4. Les transitions sont bonnes (la Promenade). Je veux travailler plus rapidement et de manière plus sûre. Mes états d’âme peuvent être perçus durant les interludes. Jusqu’à présent, je pense que c’est bien tourné… ». Les Tableaux d’une exposition jouent ainsi le jeu des correspondances, où chacun des sons trouverait un équivalent chromatique. Si Moussorgski entend transposer musicalement le visuel, il entend aussi traduire l’expérience même du parcours d’exposition, comme en témoignent ces mouvements de ponctuation, « Promenade », qui cherchent à traduire les évolutions spatiales du visiteur et ses changements d’humeur à la vue  des œuvres. Des thèmes participant au pouvoir de suggestion inhérent à la série, qui ne saurait toutefois être une simple transcription sonore. Au-delà de l’interprétation qu’elles donnent de la matière picturale, ces pièces sont aussi un signe fort de la renaissance russe, dans un siècle marqué par l’affirmation des nationalismes. La citation de mélodies anciennes, de danses d’où s’échappe une rare férocité (La Cabane sur des pattes de poule), sont des exemples de l’expression folklorique de l’ensemble. Le puissant colorisme pianistique de Moussorgski ne pouvait que toucher Ravel, dont l’orchestre est devenu l’instrument de prédilection. C’est donc un travail d’orchestration polychromique qu’il réalise en 1922 sur ces tableaux. Tirant profit des caractéristiques propres à la production russe, tel l’ostinato constitutif de l’orientalisme, le maître français fait preuve d’une inventivité orchestrale dans la lignée des apports de Berlioz en son temps. De ce dernier, il retient notamment l’autonomie des timbres, mais s’en émancipe dans la mesure où, pour lui, le timbre ne saurait prévaloir sur l’harmonie. Fidèle à la structure établie par Moussorgski, de laquelle il retire la Promenade entre Samuel Goldenberg et Schmuyle et Limoges, Ravel multiplie les idées brillantes, tel le mariage de l’orchestre et du saxophone dans Le Vieux château. Alternant raffinement harmonique (Bydło), humour (Ballet des poussins), grande scène populaire (Limoges), imitation par les cuivres des sonorités de l’orgue (Catacombes) ou encore sentiment religieux (La Grande Porte de Kiev), son travail sur Les Tableaux éclaire magistralement l’étendue de sa palette d’orchestrateur.
Marion Mirande

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