lunes, 11 de mayo de 2020

LE ROI GUSTAVE III DE SUÈDE, BAL TRAGIQUE À L’OPÉRA


Le plus francophile des souverains suédois, Gustave III, périt assassiné au cours d’une soirée de fête. "Un bal masqué"tragique, immortalisé par le génie de Verdi, qui en fit un splendide opéra.


Gustave III, couronné en 1772, s’était attiré la haine de l’aristocratie par ses tentatives d’instaurer un pouvoir absolu.
© AKG-images

"Oui, quand je vois vos pleurs, je regrette la vie. Adieu Suède! Adieu gloire et patrie! J’espérais mieux mourir. Mes amis, mes soldats, entourez-moi! Qu’au moins j’expire dans vos bras!" Ces regrets sont tirés du livret d’Eugène Scribe pour l’opéra d’Auber Gustave III. Ce roi qui se meurt a été victime le 16 mars 1792 d’une conjuration menée par des nobles de son royaume. À son dernier soupir, il ne se doute pas que son assassinat va faire de lui le héros de plusieurs opéras, dont le plus célèbre est Un bal masqué, de Giuseppe Verdi.

Cruel clin d’œil du destin pour ce souverain esthète et compositeur à ses heures perdues. N’est-il pas en pleine répétition de son Thétis et Pélée, le premier opéra en langue suédoise, lorsqu’il organise son coup d’État mené en août 1772 afin d’étouffer les tentatives de rébellion des clans nobiliaires?


Gustave de Holstein-Gottorp, né le 24 janvier 1746, a hérité à son accession au trône d’un royaume en pleine déréliction. Pour affirmer son autorité, il muselle les aristocrates et part en guerre contre Catherine II de Russie, qui le surnomme le "Don Quichotte du Nord". Son second coup d’État, en février 1789, est l’humiliation de trop pour les nobles suédois. Sous l’impulsion de Jacob Johan Anckarström, une faction importante décide d’assassiner le souverain au cours de l’un des somptueux bals masqués dont il est friand.

Assassiner le souverain au cours d'un bal masqué
Ce soir du printemps de 1792, le roi soupe à l’Opéra de Stockholm, qu’il a lui-même fait construire, avant l’ouverture des festivités. Comme dans la plus pure tragédie shakespearienne, un billet anonyme tente de le mettre en garde. Le souverain découvre cette lettre déposée sur sa toilette…

Imprudente désinvolture ou volonté d’affronter son destin en monarque courageux? Gustave III néglige cet avertissement, qui émane en fait de son frère de lait, le comte Lilienhorn. Le brouhaha propice de la fête, les dominos noir et blanc qui rendent chaque danseur méconnaissable: tous les ingrédients du drame sont en place.


"Bonjour, beau masque!" Tel aurait été le signal convenu par les conjurés pour assassiner Gustave III. L’attentat a lieu dans la soirée du 16 mars 1792, à l’Opéra de Stockholm. C’est Jacob Johan Anckarström qui lui a tiré un coup de pistolet dans les reins. © akg-images
Tandis que le bal bat son plein, Gustave III croise un regard qui réveille ses craintes. Il veut se retirer sur-le-champ. Au bras de l’ambassadeur de Prusse, il tente de percer la foule des masques. Mais on lui barre le passage. Le chef des conjurés profite de cette embuscade pour tirer sur le monarque.

Aussitôt, c’est la panique. On boucle la salle, chaque invité est sommé de montrer son visage. On arrête Anckarström qui, dans la confusion, a laissé tomber à terre ses deux pistolets. L’enquête montrera que la conspiration a des ramifications qui s’étendent fort loin. On soupçonne même le propre frère du roi, Carl, duc de Sudermanie.

Pourtant, le roi n’est pas mort. Ramené dans ses appartements, il va survivre treize jours durant lesquels il recommande le pardon pour ses assassins, avant de s’éteindre le 29 mars 1792…

L'assassinat du roi de Suède inspirera à Verdi un opéra
De ce matériau sanglant, comme l’opéra les aime, Scribe, le premier, s’empare pour faire une œuvre mise en musique par Esprit Auber et sobrement intitulée Gustave III ou la Mort du roi de Suède, qui est représentée pour la première fois le 27 février 1833 à Paris. Son l’argument attire l’attention de plusieurs compositeurs, dont l’Italien Saverio Mercadante et bientôt Giuseppe Verdi lui-même.





Mais la censure napolitaine s’inquiète de ce régicide magnifié par la musique du maestro. "Il vaut mieux finir le drame, quitte à changer plus tard le sujet, écrit Verdi à son librettiste, Antonio Somma. Comme pour Rigoletto, on changera, s’il le faut, l’époque et le lieu de l’action. Dommage pourtant de renoncer au faste d’une cour comme celle de Gustave. Et puis il sera bien difficile de trouver un duc à la mesure de ce Gustave! Pauvres poètes, pauvre compositeur."

Un bal masqué transposera donc les malheurs du roi de Suède outre-Atlantique, et greffe au tissu historique une intrigue amoureuse. À travers la voix puissante de Riccardo, comte de Warwick et gouverneur de Boston, Gustave III a conquis au-delà de la tombe la plus belle des épitaphes.

Par Pauline Sommelet

https://www.pointdevue.fr/histoire/gustave-iii-de-suede-bal-tragique-lopera_14725.html

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