miércoles, 4 de agosto de 2021

SONYA YONCHEVA ÉBLOUIT MONTPELLIER

Paul Canessa

Habituée et fidèle du festival estival héraultais, où elle aurait dû se produire en 2020 dans l’opéra Fedora avant une annulation pour causes sanitaires, Sonya Yoncheva est de retour cette année à Montpellier pour une soirée de clôture « carte blanche », le programme du récital étant demeuré secret même pour les organisateurs jusqu’à la dernière minute. Une soirée retransmise en différé sur France Musique le 18 août et très accessible puisque le prix des places, dans la salle du Corum-Opéra Berlioz, n’excède pas les vingt euros, une peccadille au vu du pedigree de l’artiste.

Sonya Yoncheva, Domingo Hindoyan & Orchestre national Montpellier Occitanie (© Marc Ginot)

La soprano s'est déplacée en famille car c’est son mari, Domingo Hindoyan, qui dirige l’Orchestre national Montpellier Occitanie. Comme attendu, le chef s’avère très à l’écoute de sa partenaire à la ville. La direction discrète mais appliquée et rigoureuse de Domingo Hindoyan se joue des rythmes latins syncopés de la conga de fuego du mexicain Arturo Marquez, qui rappellent les origines sud-américaines du maestro vénézuélien. Sur l’ouverture de Luisa Miller de Verdi qui ouvre le programme de la soirée, ou sur le célèbre Intermezzo de Mascagni, les pupitres offrent une belle densité sonore, très musicale, en particulier les cordes. Les cuivres, impeccables, ont leur moment de gloire sur un réarrangement d’un tango endiablé de Mariano Mores, dans une ambiance dansante rappelant une fête foraine argentine.

Le récital de Sonya Yoncheva commence par des extraits de Luisa Miller de Verdi avant de se prolonger sur Rusalka de Dvorak. La voix de la chanteuse s’envole sans effort apparent de graves généreux à des aigus bien projetés assortis de crescendi lyriques pleins de musicalité. Les prises de souffle épousent les contours des phrases, l’instrument de la soprano bulgare sait passer avec naturel en quelques secondes du murmure à la tempête.

De grands classiques de récital, tous du même acabit, viennent montrer différentes facettes de timbre sur le répertoire vériste, de l’air de Le Villi de Puccini ("Se come voi piccina io fossi") à l’Ave Maria torturé adapté sur l'Intermezzo de Cavalleria Rusticana. Loin d’être scolaire, l’artiste apporte fantaisie et variations subtiles à ces pièces si souvent entendues. Sur le célèbre air de Madama Butterfly « Un bel di vedremo », Sonya Yoncheva offre une performance inoubliable, très nuancée, en puissance comme en délicatesse. Même les instrumentistes de l’orchestre sont en pleurs, et quelques cuivres sous le charme en oublieront furtivement leur départ.

Après ce tour de force, la deuxième partie du récital permet à Sonya Yoncheva de se frotter à un répertoire plus récent, moins familier (elle doit lire la partition) et plus léger sur lequel sa voix généreuse semble s‘amuser. Après une incursion du côté de l’Argentine et d’un chaleureux « No me mires mas » (chanté originellement par Lolita Torres), elle égrène plusieurs clins d’œil au public français, avec « L’amour en héritage » de Vladimir Cosma popularisé par Nana Mouskouri, ou « C’est la saison d’amour » d’Oscar Straus immortalisé par Yvonne Printemps. La diction du français impressionne par son exactitude.

Noyée sous un tonnerre d’ovations, la diva bulgare offre en bis sa version lyrique et inspirée de l’ « Hymne à l’Amour » d’Edith Piaf et une « Habanera » de Carmen chantée avec une malice et une aisance dans le grave insolentes. Encore applaudie à tout rompre par un public debout refusant que la soirée ne s’arrête, Sonya Yoncheva négocie avec le maestro une reprise de « Un bel di vedremo » pour finir la soirée, tout aussi accomplie que la première.

https://www.olyrix.com/articles/production/4990/carte-blanche-a-sonya-yoncheva-30-juillet-2021-opera-musique-vocale-concert-classique-lyrique-puccini-verdi-mascagni-soprano-orchestre-national-montpellier-occitanie-domingo-hindoyan-article-critique-compte-rendu-festival

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