Paul Canessa
Habituée et fidèle du festival estival héraultais, où elle aurait dû se produire en 2020 dans l’opéra Fedora avant une annulation pour causes sanitaires, Sonya Yoncheva est de retour cette année à Montpellier pour une soirée de clôture « carte blanche », le programme du récital étant demeuré secret même pour les organisateurs jusqu’à la dernière minute. Une soirée retransmise en différé sur France Musique le 18 août et très accessible puisque le prix des places, dans la salle du Corum-Opéra Berlioz, n’excède pas les vingt euros, une peccadille au vu du pedigree de l’artiste.
Sonya Yoncheva, Domingo Hindoyan &
Orchestre national Montpellier Occitanie (© Marc Ginot)
La soprano s'est déplacée en famille car c’est
son mari, Domingo Hindoyan, qui dirige l’Orchestre national Montpellier
Occitanie. Comme attendu, le chef s’avère très à l’écoute de sa partenaire à la
ville. La direction
discrète mais appliquée et rigoureuse de Domingo Hindoyan se joue des rythmes
latins syncopés de la conga de fuego du mexicain Arturo Marquez, qui rappellent
les origines sud-américaines du maestro vénézuélien. Sur l’ouverture de Luisa
Miller de Verdi qui ouvre le programme de la soirée, ou sur le célèbre
Intermezzo de Mascagni, les pupitres offrent une belle densité sonore, très
musicale, en particulier les cordes. Les cuivres, impeccables, ont leur moment
de gloire sur un réarrangement d’un tango endiablé de Mariano Mores, dans une
ambiance dansante rappelant une fête foraine argentine.
Le récital de Sonya Yoncheva commence par des extraits de Luisa
Miller de Verdi avant de se prolonger sur Rusalka de Dvorak. La voix de la
chanteuse s’envole sans effort apparent de graves généreux à des aigus bien
projetés assortis de crescendi lyriques pleins de musicalité. Les prises de
souffle épousent les contours des phrases, l’instrument de la soprano bulgare
sait passer avec naturel en quelques secondes du murmure à la tempête.
De grands classiques de récital, tous du même acabit, viennent
montrer différentes facettes de timbre sur le répertoire vériste, de l’air de
Le Villi de Puccini ("Se come voi piccina io fossi") à l’Ave Maria
torturé adapté sur l'Intermezzo de Cavalleria Rusticana. Loin d’être scolaire,
l’artiste apporte fantaisie et variations subtiles à ces pièces si souvent
entendues. Sur le célèbre air de Madama Butterfly « Un bel di vedremo », Sonya
Yoncheva offre une performance inoubliable, très nuancée, en puissance comme en
délicatesse. Même les instrumentistes de l’orchestre sont en pleurs, et
quelques cuivres sous le charme en oublieront furtivement leur départ.
Après ce tour de force, la deuxième partie du récital permet à
Sonya Yoncheva de se frotter à un répertoire plus récent, moins familier (elle
doit lire la partition) et plus léger sur lequel sa voix généreuse semble
s‘amuser. Après une incursion du côté de l’Argentine et d’un chaleureux « No me
mires mas » (chanté originellement par Lolita Torres), elle égrène plusieurs
clins d’œil au public français, avec « L’amour en héritage » de Vladimir Cosma
popularisé par Nana Mouskouri, ou « C’est la saison d’amour » d’Oscar Straus
immortalisé par Yvonne Printemps. La diction du français impressionne par son
exactitude.
Noyée sous un tonnerre d’ovations, la diva bulgare offre en bis sa
version lyrique et inspirée de l’ « Hymne à l’Amour » d’Edith Piaf et une «
Habanera » de Carmen chantée avec une malice et une aisance dans le grave
insolentes. Encore applaudie à tout rompre par un public debout refusant que la
soirée ne s’arrête, Sonya Yoncheva négocie avec le maestro une reprise de « Un
bel di vedremo » pour finir la soirée, tout aussi accomplie que la première.
https://www.olyrix.com/articles/production/4990/carte-blanche-a-sonya-yoncheva-30-juillet-2021-opera-musique-vocale-concert-classique-lyrique-puccini-verdi-mascagni-soprano-orchestre-national-montpellier-occitanie-domingo-hindoyan-article-critique-compte-rendu-festival
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