jueves, 13 de abril de 2023

NOUVELLE VERSION: QUI ÉTAIENT LES "VRAIS" MOUSQUETAIRES ? POINT DE VUE

Par François Billaut

L’une des premières scènes réunissant Athos, Aramis, Porthos et D’Artagnan dans le film de Martin Bourboulon en 2023. © Julien Panie

Le 2 février 1617, naissait Isaac de Portau, la force de la nature qui a inspiré Porthos à Alexandre Dumas. Et le seul des quatre compagnons dont nous connaissions la date anniversaire. L'occasion de voir qui étaient réellement les mousquetaires, d'Artagnan et leur irréductible ennemie, l'envoûtante Milady.

Un roman de cape et d'épée, publié en feuilleton dans le journal Le Siècle, au printemps 1844... Et bien plus encore, Alexandre Dumas, avec Les Trois Mousquetaires, nous offre un roman historique et d'aventures. Le roi Louis XIII et la reine Anne d'Autriche, le tout-puissant ministre-cardinal duc de Richelieu, le duc de Buckingham, le comte de Tréville, capitaine-lieutenant de la compagnie des mousquetaires, grandes figures du temps, ont bien sûr existé. Les cinq héros principaux du roman ne sont pas non plus sortis tout droit de l'imaginaire de Dumas père. 

Pour le caractère, et pour leur patronyme souvent, ils sont inspirés de personnages moins connus de la fin du règne. D'Artagnan, le "cadet de Gascogne", vient de fêter ses 18 ans au premier chapitre de l'épopée. Dans la réalité, la tête brûlée qui s'apprête à défier trois mousquetaires aguerris, en 1628, n'aurait pas eu beaucoup plus que 10 ans. Et Athos, Porthos et Aramis auraient porté des langes. La vraie "Milady", déjà proche de la trentaine, aurait dû pouponner, plutôt que séduire. Mais c'était bien une espionne et une voleuse de diamants...

Porthos

Dumas en fait un géant sympathique, simple et droit, doué d'une force herculéenne. Le "sieur Porthos du Vallon de Bracieux de Pierrefonds" – son nom complet apparaît, sans prénom, dans Vingt ans après –, est inspiré d'Isaac de Portau, né le 2 février 1617, à Pau, et baptisé le même jour dans la foi huguenote. Son père, lui aussi prénommé Isaac, notaire et secrétaire du roi et des États de Navarre, est seigneur de Camptort et de Castetbon, dans le bailliage de Navarrenx, et sa mère, Anne d'Arrac de Gan, fille de pasteur.

Reçu cadet-gentilhomme dans les Gardes françaises à la compagnie des Essarts, il y croise d'Artagnan qui rejoint la troupe en 1640. Porthos aurait ensuite rallié les mousquetaires, sans que ce passage soit prouvé. Dix ans plus tard, il a quitté le service du roi. De retour au pays, il est "garde des munitions" à la forteresse de Navarrenx. Dans Le Vicomte de Bragelonne, dernier volet de la trilogie de Dumas, Porthos périt, écrasé par un rocher. Dans la réalité, il aurait plus paisiblement fini ses jours à Lanne-en-Barétous, dans le manoir d'un neveu.


Athos

Seigneur de haute lignée dans le roman de Dumas, Olivier, comte de La Fère, surnommé Athos, est distingué des trois ordres de chevalerie les plus illustres de son temps : le Saint-Esprit, la Jarretière et la Toison d'or. Il incarne l'idéal de la noblesse et, pour d'Artagnan, une figure paternelle. Dans la réalité, le "fils spirituel" était probablement l'aîné. 

Un "Athos" est bien passé chez les mousquetaires, mais brièvement, sans doute tué au cours d'un duel, comme le laisse supposer son acte de décès enregistré en l'église Saint-Sulpice, en date du 21 décembre 1645 : "Convoy, service et enterrement du deffunct Armand Athos d'Autebielle, mousquetaire de la garde du Roy, gentilhomme de Béarn, pris proche la halle au Pré aux Clercs."

Fils d'Adrien de Sillègue, seigneur d'Athos et d'Autevielle, deux bourgs du gave d'Oloron, en Béarn, il a rejoint les Mousquetaires en 1640, vers l'âge de 20 ans.

 Il était sous la protection du fameux Jean-Arnaud du Peyrer, comte de Tréville, capitaine-lieutenant de la Compagnie, un cousin germain de sa mère, née demoiselle du Peyrer. Peu de traces demeurent de sa brève existence. Dans la fiction de Dumas, en revanche, Athos disparaît à 80 ans passés, en 1672, père de Raoul, vicomte de Bragelonne, né de sa liaison avec la duchesse de Chevreuse.

Aramis

Futur évêque de Vannes et général des jésuites, René d'Herblay, le "Aramis" imaginé par Dumas, est le plus politique, stratège et séducteur des mousquetaires. Il évolue dans un parfum d'encens. Son trait commun avec Henri d'Aramitz, abbé laïc en vallée de Barétous, son double dans le monde réel. Cousin germain du comte de Tréville, et parent d'Athos, il est le fils de Charles d'Aramitz, déjà mousquetaire du roi, et de Marie de Rague. Comme ses compagnons, il rejoint en 1640, vers l'âge de 20 ans, cette même compagnie. Il ne la quittera qu'à sa dissolution par le cardinal Mazarin, en 1646. 

De retour en Béarn, il épouse, en 1650, Jeanne de Béarn-Bonasse, descendante d'un fils naturel de Jean III, comte de Foix et vicomte de Béarn, qui lui donne quatre enfants survivants, dont deux fils prénommés Armand et Clément.

D'Artagnan

Du véritable d'Artagnan, il nous reste un improbable portrait, et des mémoires apocryphes dues à la plume de Gatien de Courtilz, qui ont grandement inspiré à Alexandre Dumas les aventures de son impétueux Gascon. Charles, né entre 1611 et 1615, est le quatrième fils de Bertrand de Batz, seigneur de Castelmore "dans le comté de Fezensac", et de Françoise de Montesquiou d'Artagnan, dont il prend le nom, de plus ancienne noblesse. 

Entré chez les cadets des Gardes françaises, en 1640, il ne rejoint les mousquetaires que quatre ans plus tard, deux ans donc avant leur dissolution. Cousin du comte de Tréville, comme les Béarnais, il les croise probablement, sans que rien ne prouve qu'ils se connaissent. Fidèle au cardinal Mazarin, il est le seul à faire vraiment carrière. Il devient le responsable effectif de la compagnie des "grands mousquetaires", recréée en 1657, sous le commandement nominal du duc de Nevers.

D'Artagnan accompagne le roi Louis XIV à Saint-Jean-de-Luz, en 1660, quand le souverain part épouser l'infante Marie-Thérèse. Et il arrêtera Fouquet, et plus tard Lauzun "au nom du Roy". Soldat de confiance, couvert de charges et d'honneurs, "Haut et puissant seigneur, Messire Charles de Castelmore, comte d'Artagnan Charles de Castelmore, comte d'Artagnan Charles de Castelmore, comte d'Artagnan", il est tué par une balle de mousquet, durant le siège de Maastricht, le 25 juin 1673. 

Comme lui, son double littéraire termine sur le champ de bataille, mais emporté par un boulet de canon.

Milady

Anne de Breuil, alias Milady, nonne bénédictine défroquée et bigame, successivement comtesse de La Fère, baronne Sheffield, comtesse de Winter, Charlotte Backson ou lady Clarick... Femme fatale, dénuée de scrupules, elle change d'identité au fil des pages... et de ses crimes. Dumas semble avoir découvert le modèle de la belle et redoutable ennemie de d'Artagnan et des mousquetaires dans les Mémoires de François de La Rochefoucauld. 

Le duc-auteur des Maximes y relate l'anecdote rapportée par Marie de Rohan, duchesse de Chevreuse – elle-même devenue la mère de Raoul de Bragelonne chez Dumas –, "des ferrets" de Georges Villiers, duc de Buckingham. Pour se venger du duc-ambassadeur, tombé sous le charme de la reine Anne à la cour de France, son ancienne maîtresse Lucy Hay, comtesse de Carlisle, lui aurait volé "des diamants de provenance royale". L'intrigue même du roman !

Louée pour sa beauté par les poètes contemporains, et comploteuse en diable, l'authentique "Milady" Carlisle est née Lucy Percy, en 1599, fille de Henry Percy, le "comte- magicien" de Northumberland. Un parfum de soufre dès le berceau. Dame de chambre et favorite d'Henriette de France, la reine d'Angleterre, elle défraie la chronique en prenant pour amants deux parlementaires : le comte de Strafford, puis John Pym, son principal opposant. 

Agent double, le plus souvent pour le compte du roi Charles Ier, parfois aussi pour ses ennemis, elle complote et intrigue tout au long de la guerre civile anglaise. Emprisonnée à la Tour de Londres, menacée de torture, puis libérée sous caution, la comtesse de Carlisle meurt en 1660, après la Restauration de Charles II. La Milady de Dumas, elle, finit décapitée, sur ordre de son premier mari.

https://www.pointdevue.fr/royal/france/qui-etaient-les-vrais-mousquetaires

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