Du fastueux mandat de Jérôme
Deschamps à la tête de l'Opéra-Comique, c'est peut-être cette
production que l'on retiendra le plus. Une ode aux plaisirs, à la fantaisie, à
l'insolence même, mais qui ne chasse jamais l'élégance. Un parfum subtil et
délicat du Paris d'autrefois. Celui des halles Baltard que la canopée, presque
à son terme, ne parviendra jamais à faire oublier. Des fortifications et des
faubourgs immortalisés par l'œil poétique et sophistiqué d'Eugène Atget.
Nul passéisme, pourtant, dans cette résurrection du
chef-d'œuvre de l'opérette française qu'est Ciboulette, de Reynaldo
Hahn, opérée il y a deux ans par le metteur en scène Michel Fau et la chef
d'orchestre Laurence
Equilbey. Au contraire, leur vision est traversée d'un bout à
l'autre d'une fraîcheur intemporelle et d'un souci du théâtre qui rappelle que
cet art typiquement français, injustement décrié, est bien l'un des fleurons de
notre culture musicale. Bien sûr, l'étincelante Julie Fuchs, Ciboulette
mutine - parfois jusqu'à l'exubérance - et exquise de volupté vocale ne fut pas
pour rien dans le triomphe de cette production, créée en 2013 et qui valut à
son héroïne une reconnaissance bien méritée.
Souci
du moindre détail
Mais il serait injuste de
réduire la qualité intrinsèque de ce spectacle à cette seule incarnation. D'une
part parce que la mise en scène de Michel Fau
est une leçon de direction d'acteurs qui n'oublie aucun des personnages. Et si
la jeune Melody Louledjian, remarquée en 2009 au Grand Théâtre de Bordeaux et
ovationnée pour sa présence scénique, doit faire oublier la prestation de Julie
Fuchs, on aura le plaisir de retrouver au sein de la distribution plusieurs des
chanteurs d'origine, dont le remarquable Julien Behr, touchant de
feinte gaucherie et de naïveté en Antonin, ou encore l'impayable couple Grenu
composé par Guillemette Laurens et Jean-Claude Sarragosse. Sans oublier, dans
les rôles presque sur mesure de la Comtesse de Castiglione et du directeur de
théâtre Michel Fau en personne et son ami - et employeur - Jérôme Deschamps.
Pour
son tricentenaire, la salle Favart reprend l'un de ses meilleurs succès des
dernières années: la délicieuse opérette de Reynaldo Hahn mise en scène par
Michel Fau.
D'autre part parce que
la magie de cette redécouverte provenait aussi en grande partie de la fosse
d'orchestre. Laurence Equilbey, que peu attendaient dans ce répertoire, a su
une fois de plus faire valoir l'importance de traiter la musique réputée légère
avec le même sérieux que ses cousines savantes. Sa science des équilibres,
acquise au contact du romantisme germanique et de sa culture des chœurs, fait
mouche. Et son souci du moindre détail n'enlève rien au caractère doux-amer
d'une partition aussi tendre que canaille. En 2013, elle menait à la baguette
un Orchestre de l'Opéra de
Toulon dans ses petits souliers. Pour cette reprise, elle aura en
main un ensemble qu'elle connaît mieux encore: l'Orchestre de
chambre de Paris, qui s'affirme - tant en termes de qualité musicale
que d'inventivité de programmation - comme l'une des phalanges franciliennes à
suivre de très près dans les années à venir. Et auquel le chœur Accentus,
génial de précision et d'intelligibilité il y a deux ans, est lié en tant
qu'artistes associés.
http://www.lefigaro.fr/musique/2015/04/23/03006-20150423ARTFIG00042--ciboulette-a-satiete.php
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