L’expérience du confinement et l’adoption de la distanciation physique et sociale, à l’échelle mondiale, nous font reconsidérer l’hermétisme de nos corps. Avions-nous oublié à quel point nous sommes poreux-ses ?
L’exposition Anticorps, conçue par l’équipe curatoriale du Palais
de Tokyo, propose de donner la parole à la scène artistique française et
internationale autour de 20 artistes qui, avec des oeuvres récentes et
nouvelles, prennent le pouls de notre capacité à faire corps ensemble et à
repenser notre façon d’habiter le monde.
La vulnérabilité de nos enveloppes corporelles fait surgir autour
de nos foyers, de nos cercles sociaux, de nos pays, encore davantage de
frontières, de barrières, hérissées d’inquiétudes et de suspicions. Cette
situation accroît des inégalités déjà présentes, en termes de privilège de
classe et d’exposition aux risques. Mais dans l’écartement qui s’est renforcé
entre public et privé, nous réalisons finalement que tout nous touche de
manière plus exacerbée, et nous incite à redéfinir nos liens comme nos proximités.
« Pourquoi nos corps devraient-ils s’arrêter à la frontière de la
peau ? », demandait Donna Haraway1. Anticorps s’offre comme une exposition qui
tente de penser à travers les peaux, en s’attachant à développer plusieurs
registres de l’affectivité, de la présence et de l’haptique, cette exploration
du sens du toucher sans que celui-ci soit physiquement activé. La « mise à
distance » pousse à une volonté renouvelée de contact.
Les artistes réuni·e·s au sein d’Anticorps font état de caresses, de murmures, de souffles et de menaces qui questionnent nos réactions et transactions émotionnelles, nos rapports sociaux. Si l’exposition ne fait pas de la crise sanitaire actuelle un sujet, les oeuvres, ainsi que les relations tissées entre elles, permettent de questionner la distance et le toucher, considérant ces deux termes comme intrinsèquement politiques et poétiques.
La polysémie du titre de l’exposition est dès lors manifeste : il
s’agit à la fois d’accepter les nouvelles normes imposées de l’être-ensemble
(distance) tout en ouvrant la perspective d’un autre érotisme social (toucher).
Il parait nécessaire, comme le préconisait Susan Sontag2, de remplacer les
métaphores militaires souvent attachées au fonctionnement de nos systèmes
immunitaires par un autre lexique, et de nous préoccuper davantage
d’hospitalité. Anticorps invite à parcourir le Palais de Tokyo à la fois comme
un foyer (in vitro) et comme un réseau mouvant (in vivo). Cela permet de
réfléchir autrement aux communautés éphémères que le Palais de Tokyo peut créer
et rassembler, et tout particulièrement aux relations suggérées entre les
publics et les oeuvres.
https://www.palaisdetokyo.com/fr/evenement/anticorps
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