Le plus francophile des souverains suédois, Gustave III, périt
assassiné au cours d’une soirée de fête. "Un bal masqué"tragique,
immortalisé par le génie de Verdi, qui en fit un splendide opéra.
Gustave III,
couronné en 1772, s’était attiré la haine de l’aristocratie par ses tentatives
d’instaurer un pouvoir absolu.
© AKG-images
"Oui, quand je vois vos pleurs, je regrette la vie. Adieu
Suède! Adieu gloire et patrie! J’espérais mieux mourir. Mes amis, mes soldats,
entourez-moi! Qu’au moins j’expire dans vos bras!" Ces regrets sont tirés
du livret d’Eugène Scribe pour l’opéra d’Auber Gustave III. Ce roi qui se meurt
a été victime le 16 mars 1792 d’une conjuration menée par des nobles de son
royaume. À son dernier soupir, il ne se doute pas que son assassinat va faire
de lui le héros de plusieurs opéras, dont le plus célèbre est Un bal masqué, de
Giuseppe Verdi.
Cruel clin d’œil du destin pour ce souverain esthète et compositeur
à ses heures perdues. N’est-il pas en pleine répétition de son Thétis et Pélée,
le premier opéra en langue suédoise, lorsqu’il organise son coup d’État mené en
août 1772 afin d’étouffer les tentatives de rébellion des clans nobiliaires?
Gustave de Holstein-Gottorp, né le 24 janvier 1746, a hérité à son
accession au trône d’un royaume en pleine déréliction. Pour affirmer son autorité, il muselle les aristocrates et part en guerre
contre Catherine II de Russie, qui le surnomme le "Don Quichotte du
Nord". Son second coup d’État, en février 1789, est l’humiliation de trop
pour les nobles suédois. Sous l’impulsion de Jacob Johan Anckarström, une
faction importante décide d’assassiner le souverain au cours de l’un des
somptueux bals masqués dont il est friand.
Assassiner le souverain au cours d'un bal
masqué
Ce soir du printemps de 1792, le roi soupe à
l’Opéra de Stockholm, qu’il a lui-même fait construire, avant l’ouverture des
festivités. Comme dans la plus pure tragédie shakespearienne, un billet anonyme
tente de le mettre en garde. Le souverain découvre cette lettre déposée sur sa
toilette…
Imprudente désinvolture ou volonté d’affronter
son destin en monarque courageux? Gustave III néglige cet avertissement, qui
émane en fait de son frère de lait, le comte Lilienhorn. Le brouhaha propice
de la fête, les dominos noir et blanc qui rendent chaque danseur
méconnaissable: tous les ingrédients du drame sont en place.
"Bonjour, beau masque!" Tel aurait été le signal convenu
par les conjurés pour assassiner Gustave III. L’attentat a lieu dans la soirée du 16 mars 1792, à l’Opéra de Stockholm. C’est Jacob Johan
Anckarström qui lui a tiré un coup de pistolet dans les reins. © akg-images
Tandis que le bal bat son plein, Gustave III croise un regard qui
réveille ses craintes. Il veut se retirer sur-le-champ. Au bras de
l’ambassadeur de Prusse, il tente de percer la foule des masques. Mais on lui
barre le passage. Le chef des conjurés profite de cette embuscade pour tirer
sur le monarque.
Aussitôt, c’est la panique. On boucle la salle, chaque invité est
sommé de montrer son visage. On arrête Anckarström qui, dans la confusion, a
laissé tomber à terre ses deux pistolets. L’enquête montrera que la conspiration a des ramifications qui s’étendent
fort loin. On soupçonne même le propre frère du roi, Carl, duc de Sudermanie.
Pourtant, le roi n’est pas mort. Ramené dans
ses appartements, il va survivre treize jours durant lesquels il recommande le
pardon pour ses assassins, avant de s’éteindre le 29 mars 1792…
L'assassinat du roi de Suède inspirera à Verdi
un opéra
De ce matériau sanglant, comme l’opéra les
aime, Scribe, le premier, s’empare pour faire une œuvre mise en musique par
Esprit Auber et sobrement intitulée Gustave III ou la Mort du roi de Suède, qui
est représentée pour la première fois le 27 février 1833 à Paris. Son
l’argument attire l’attention de plusieurs compositeurs, dont l’Italien Saverio
Mercadante et bientôt Giuseppe Verdi lui-même.
Mais la censure napolitaine s’inquiète de ce
régicide magnifié par la musique du maestro. "Il vaut mieux finir le
drame, quitte à changer plus tard le sujet, écrit Verdi à son librettiste,
Antonio Somma. Comme pour Rigoletto, on changera, s’il le faut, l’époque et le
lieu de l’action. Dommage pourtant de renoncer au faste d’une cour comme celle
de Gustave. Et puis il sera bien difficile de trouver un duc à la mesure de ce
Gustave! Pauvres poètes, pauvre compositeur."
Un bal masqué transposera donc les malheurs du roi de Suède
outre-Atlantique, et greffe au tissu historique une intrigue amoureuse. À
travers la voix puissante de Riccardo, comte de Warwick et gouverneur de
Boston, Gustave III a conquis au-delà de la tombe la plus belle des épitaphes.
Par Pauline
Sommelet
https://www.pointdevue.fr/histoire/gustave-iii-de-suede-bal-tragique-lopera_14725.html
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