Marguerite de Navarre lui donne son grand air Renaissance.Et son
petit-fils, Henri IV, sa valeur de symbole. Berceau du plus populaire de nos
monarques, le château de Pau est indissociable de son image. Y séjourner, le
restaurer revient pour ses successeurs à asseoir sa légitimité, à se parer de
l’aura du roi au panache blanc.
Sa silhouette de pierre blonde veille sur le Béarn depuis des
siècles. Des fenêtres à meneaux donnant sur les Pyrénées , la"plus belle
vue du monde" comme l’écrivit, en 1838, un touriste nommé Stendhal.
Marguerite d'Angoulême, sœur de François Ier, laisse son empreinte
sur le château
"Henri d’Albret fait édifier la façade que nous connaissons
pour Marguerite", raconte François Bayrou, maire de Pau. "Il rentre d’Italie où il a guerroyé avec François Ier. Il a vu la
Renaissance italienne, il fait venir des architectes. Le roi de Navarre,
souverain de Béarn est, comme disait son grand-père, un pou entre deux singes,
l’Espagne et la France; il dirige un petit royaume, amputé de la Navarre
espagnole..."
Sœur de François Ier, Marguerite d'Angoulême
épouse le roi de Navarre. Sa fille Jeanne donnera naissance au futur Henri IV. © Domaine public
Ainsi Marguerite d'Angoulême a essaimé les lettres, le Béarn et le
château où naîtra son petit-fils, le futur Henri IV. Pour autant, son époux et
elle n’édifient pas à partir de rien, ils modifient, mettent au goût du jour.
L’élément le plus ancien subsistant de l’ancienne forteresse est la tour
Mazères, du XIIe siècle. Puis la tour Montauser bâtie au siècle suivant,
premier donjon du château primitif.
Vient ensuite le temps de Gaston Phébus, comte de Foix, vicomte de
Béarn. Profitant de la guerre de Cent Ans, il est le premier à affirmer l’indépendance
de ses possessions et à ne plus faire allégeance ni au roi de France ni à celui
d’Angleterre. Pour montrer sa puissance et protéger ses terres, il fait édifier
des donjons de brique, comme celui de Pau qui jette une tache de couleur sur
les façades de pierre du château. "La capitale de Phébus est Orthez où il
aurait tué dans un accès de colère son fils légitime, poursuit Isabelle
Pébay-Clottes, conservateur au château. En 1380, il vient se retirer à Pau. C’est ici
qu’il aurait écrit Le Livre des oraisons où il demande à Dieu pardon."
Blason aux armes des
Foix Béarn, surmonté de la formule "Fébus mé fé", soit "Phébus
me fit", château de Pau. © Tony Hisgett
À la fin du XIVe siècle, Gaston IV fait de Pau la capitale de la
vicomté de Béarn et dote le château d’éléments d’agrément, comme les toits en
ardoise, pour transformer la forteresse en palais. Mais c’est Henri II d’Albret
qui, entre 1529 et 1534, réalise les transformations les plus importantes, en
l’honneur de sa Marguerite.
"Il confie les travaux au maître d’œuvre Pierre Tournoyer et
fait venir des ouvriers d’Anjou, dit Isabelle Pébay-Clottes. De larges baies
sont percées au rez-de-chaussée de l’aile sud, jusqu’alors aveugle. Le fond de
la cour d’honneur est enrichi d’un décor italianisant. Plus fabuleux que tout,
l’escalier d’honneur édifié sur l’emplacement des anciennes cuisines
médiévales. Voûté en berceau, il est orné d’un décor sculpté où le H et le M
entrelacés reviennent comme une antienne sacrée."
À sa naissance, le petit Henri est couché dans une carapace de
tortue
À la génération suivante, Jeanne III d’Albret et Antoine de Bourbon
vont créer sur l’immense domaine des jardins réputés les plus beaux d’Europe.
Et le 13 décembre 1553, le château de Pau entre définitivement dans l’histoire
avec la naissance du futur Henri III de Navarre et IV de France, couché par son
grand-père dans une carapace de tortue en guise de berceau. Vénérée à l’égal
d’une relique, la carapace légendaire est exposée dans la chambre dite du roi,
en réalité reconstituée au XIXe un étage au-dessus de celle où est né
"nouste Henric", notre Henri, comme disent les Béarnais.
Avant d'être Henri
IV de France, le Vert-Galant est Henri III de Navarre. Portrait vers 1575
conservé au château de Pau. © Domaine public
"Il passe peu de temps au château mais y revient régulièrement
jusqu’en 1587. Il s’y rend en 1584 pour négocier avec le duc d’Épernon les
conditions de sa reconnaissance comme héritier présomptif du trône de France.
En 1602, il fait déménager à Fontainebleau les plus belles tapisseries et
trésors d'orfèvrerie de son bon château de Pau." Catherine de Bourbon, la
sœur de Henri IV, puis des gouverneurs successifs continueront de veiller sur
le domaine qui a vu naître le Béarnais.
Louis XIII revient en 1620 au château de son père. Pour sévir.
Pendant de l'édit de Nantes, l'édit de Fontainebleau, qui autorise en ce Béarn
protestant et indépendant le culte catholique, est mal appliqué. Le roi vient y
mettre bon ordre et, tout en jurant de respecter les fors et coutumes de Béarn,
le rattache avec la Navarre à la couronne de France. Les descendants de Henri
IV ne séjournent plus à Pau. Seuls y sont reçus quelques souverains étrangers
de passage. Jusqu'à la Révolution.
Le donjour de briques,
ou tour Gaston-Fébus, se distingue du château Renaissance. © Capbourrut
En 1808, cependant, lorsque Napoléon se rend à Pau, le château est
dans un état désastreux après avoir servi de garnison pendant la Terreur.
Impossible d'y habiter. Des projets de restauration se font jour sous Louis
XVIII et Charles X mais il faut attendre Louis-Philippe pour les voir se
préciser.
Louis-Philippe sauve le château... avec quelques arrière-pensées
politiques
"Le roi des Français est passionné
d'architecture et d'histoire. Il voit aussi que le château de Pau est
intimement lié à la figure consensuelle de Henri IV, le premier souverain
Bourbon. Le restaurer de fond en comble, y mettre sa patte, peut lui permettre
d'asseoir mieux encore sa légitimité aux yeux des Français."
La façade du Midi en 1828. Gravure sur cuivre
signé Auguste Lafollye. © Domaine public
C'est le début d'un immense chantier qui va
s'étendre de 1838 à 1875. Construction du pont de À partir de 1842, les envois de mobilier,
de lustres, de tapisseries se succèdent, achetés sur la cassette de
Louis-Philippe ou prélevés sur le Garde-Meuble royal. Une centaine de
tapisseries précieuses, du XVIe auXIXe siècle, s'intègrent ainsi dans les
pièces du château.
La révolution de 1848 empèchera Louis-Philippe et Marie-Amélie de
séjourner à Pau. Bientôt, leurs appartements deviennent impériaux et
accueillent Napoléon III et Eugénie. Les travaux se poursuivent sous le second
Empire. Après 1870, le château de Pau devient un palais national mis à la
disposition des présidents de la République, puis un musée que l'on connaît.
Reconstitution de la
chambre de Henri IV. © Getty Images
Mais une dernière fois, en 1868, peu avant la chute de Napoléon
III, il aura abrité une descendante directe de Henri IV. Contrainte de s'exiler
et bientôtt d'abdiquer, Isabelle II d'Espagne séjourna quelques mois dans la
demeure où prit corps la formidable épopée des Bourbons. Et devant cette reine
qui aimait autant que lui les plaisirs de la chair, nul doute que le Béarnais
eût souri.
Château Henri IV Histoire
Marguerite de Navarre Patrimoine
Par Antoine
Michelland
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