Le monde
:Le dérèglement climatique a quitté cet été les rapports austères pour s’imposer plus que jamais dans la vie de millions de Français. Ces derniers sont soumis tour à tour à des canicules impitoyables et à des phénomènes orageux particulièrement violents, comme celui qui vient de frapper la Corse. L’heure est malheureusement aux superlatifs, avec des sécheresses sans précédent qui n’épargnent plus aucune région, accompagnées d’incendies dévastateurs. Habituée à porter secours, la France a été contrainte d’appeler cette fois-ci à l’aide ses partenaires européens pour les juguler. Le tribut versé par la faune et la flore à ces catastrophes promet d’être élevé.
LE HUFFINGTON POST
Les pluies orageuses ont inondé Paris, Montpellier ou encore Marseille ces 16 et 17 août. Les scientifiques appellent les villes à se préparer à des précipitations bien plus intenses qu’aujourd’hui.
Par Pauline Brault
Après les orages,
des pluies diluviennes sont tombées à Paris, Montpellier et Marseille.
CLIMAT - La douche froide. L’intensité des orages accompagnés
d’inondations a surpris les Parisiens ce mardi 16 août. Beaucoup moins les
scientifiques qui alertent depuis des années sur l’intensification des pluies
extrêmes en Europe de l’Ouest. Les images des rues ou des métros submergées ont
montré à quel point les villes françaises ne sont pas prêtes du tout pour des «
inondations pluviales » causées par le dérèglement climatique.
« Figurez-vous que moi ces inondations ne m’étonnent pas du tout,
plaisante le climatologue Robert Vautard au téléphone. Celui qui est aussi
coordinateur d’un chapitre du sixième rapport du Giec nous alerte : « 40 mm en
1h à Paris, c’est un phénomène local très élevé mais il faut s’attendre à bien
pire dans le futur ». 100 mm en une heure ? « Rien de surprenant dans quelques
années ! »
https://twitter.com/i/status/1559587537009754113
Ce n’est pas la Seine qui déborde, mais le ciel qui nous tombe sur
la tête
Il existe au moins trois types d’inondations qui vont devenir
récurrentes avec le changement climatique : les côtières liées à la montée des
eaux, celles dues aux crues, et les « pluviales » comme on en a connu ces
derniers jours. En effet, si certains Parisiens ont cru à un débordement de la
Seine, il n’en est rien, ce sont bien des pluies orageuses qui se sont abattues
en trombe sur leurs têtes. « Ces cumuls de pluie instantanés » sont peu
prévisibles et localisés dans des zones bien précises, définit Robert Vautard.
Les inondations pluviales ne sont pas nouvelles, rappelle la
géographe Magali Reghezza-Zitt et membre du Haut Conseil pour le climat depuis
2018 au HuffPost : « Nîmes en 1988, les parkings de Mandelieu en 2015, Nantes
en 2016 », énumère-t-elle, mais le changement climatique vient intensifier le
phénomène.
Les aléas climatiques font d’ailleurs déjà des ravages dans les
régions méditerranéennes où « les pluies extrêmes ont augmenté de 20 % depuis
le siècle dernier », rapporte Robert Vautard. Mais comment peut-on faire un
lien entre des précipitations plus intenses et le réchauffement de la planète ?
« Ces inondations pluviales causent des dommages sévères et peuvent
tuer »
Une loi physique peut l’expliquer nous répond Robert Vautard, « la
formule de Clausius-Clapeyron dit que l’air peut contenir 7 % de plus de vapeur
d’eau par degré supplémentaire. Donc plus le climat se réchauffe, plus la
vapeur d’eau est importante dans l’atmosphère et lors de fortes précipitations
on a plus d’eau qui descend, surtout des précipitations orageuses ».
Un climat qui change est en effet corrélé à l’intensification des
extrêmes chauds, secs, et humides, poursuit Magali Reghezza-Zitt, mais la
chercheuse appelle, elle, à la prudence : « On ne sait pas pour l’instant si
ces orages sont liés (et comment) au climat qui change, mais on sait en
revanche que ces inondations pluviales causent des dommages sévères et peuvent
tuer. »
Tuer, vraiment ? Oui, dans les pays du Sud, nous confirme la géographe.
Les précipitations provoquent des inondations et des glissements de terrain
dans les quartiers informels ou les bidonvilles qui peuvent être mortels. En
juillet, plus de 300 personnes ont perdu la vie au Pakistan et 5 000 logements
ont été emportés par des pluies anormalement intenses, relate le site Euronews.
Dans les villes du Nord, le danger est surtout dû à notre
impréparation. On a vu ces derniers jours des Parisiens incrédules devant les
bouches de métro remplies d’eau, ou des Montpelliérains frappés par la place de
la Comédie transformée en torrent de boue. Pour ne plus être surpris par ces
évènements qui vont devenir la norme, il va falloir repenser nos systèmes d’alerte,
nos pratiques, nos villes.
Des systèmes
d’évacuation qui débordent
Aucune solution miracle n’existe pour adapter l’urbanisme aux aléas
du climat, tous les leviers vont devoir être activés, nous explique Magali
Reghezza-Zitt. L’un d’entre eux : revoir les dimensions des réseaux
d’évacuation pour qu’ils soient capables de supporter plus de 100 mm d’eau en
une heure.
De mauvais systèmes d’évacuation des eaux pluviales peuvent
effectivement faire de lourds dégâts comme à Nîmes en 1988, nous raconte la
chercheuse. Cette catastrophe naturelle a tué une dizaine de personnes. Alors
pourquoi ne pas adapter un réseau capable d’absorber plus d’eau ? « Il y a de
fait un calcul coût/bénéfice. Dimensionner des réseaux est coûteux, parfois
impossible », poursuit-elle.
S’ajoutent dans certains cas les systèmes « naturels » d’évacuation
de ces eaux de pluies, qui ont été imperméabilisés, ou qui sont obstrués par
des déchets. C’est le cas dans les sous-sols du métro et RER parisiens où
d’énormes pompes sont prévues pour évacuer l’eau, détaille le fil Twitter
ci-dessous d’un conducteur SNCF. Il précise qu’« elles peuvent être rapidement
bouchées par des déchets jetés par les usagers. D’où un entretien constant. »
Pomper les idées à
l’étranger
Plus généralement, dire que nos infrastructures ne sont pas
adaptées aux pluies diluviennes est un euphémisme alors que partout, on a
artificialisé, creusé, imperméabilisé. Résultat : les sols n’ont plus de
capacité d’absorption et l’eau ruisselle. Planter des arbres sur du béton ne
suffit plus à résoudre ce problème, selon Robert Vautard. « Pour qu’il y ait moins
de ruissellements dans les villes, il faut que les surfaces soient beaucoup
moins artificialisées et plus naturelles. Aujourd’hui, construire une place
avec des matériaux minéraux, c’est une absurdité ». En clair, mettre de la
terre à la place du goudron.
Le chantier est de taille et ne se fera pas en un claquement de
doigts. Chaque ville va devoir se creuser les méninges pour éviter d’être
inondée tous les ans. Une bonne idée est de pomper les idées chez nos voisins.
Prenons l’exemple de la ville de Rotterdam aux Pays-Bas qui fait
face aux crues du Rhin, à la montée de la mer du Nord et à de fortes
précipitations. Pour stocker l’eau dans la ville, « des espaces publics qui
servent en temps normal de terrain de jeu, se transforment en bassin de rétention
en cas de fortes pluies », précise Magali Reghezza-Zitt.
Végétaliser les toits pour absorber l’eau, creuser des canaux ou
surélever les villes : les idées ne manquent pas pour protéger les habitations.
Seulement, la chercheuse nuance que ces progrès techniques ne pourront pas
faire l’impasse de la sobriété, elle est « nécessaire pour rester sous ces
fameux 2 °C au-delà desquels l’adaptation va devenir extrêmement compliquée, en
particulier pour nos concitoyens les plus fragiles. »
https://www.huffingtonpost.fr/environnement/article/les-orages-violents-montrent-a-quel-point-les-villes-ne-sont-pas-pretes-aux-futurs-deluges_206662.html?xtor=EPR-5689964-[daily]-20220818
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