jueves, 18 de agosto de 2022

LE MONDE, ÉDITO CLIMAT. ET HUFFINGTON POST: LES ORAGES VIOLENTS MONTRENT À QUEL POINT LES VILLES NE SONT PAS PRÊTES AUX FUTURS DÉLUGES


Le monde
:Le dérèglement climatique a quitté cet été les rapports austères pour s’imposer plus que jamais dans la vie de millions de Français. Ces derniers sont soumis tour à tour à des canicules impitoyables et à des phénomènes orageux particulièrement violents, comme celui qui vient de frapper la Corse. L’heure est malheureusement aux superlatifs, avec des sécheresses sans précédent qui n’épargnent plus aucune région, accompagnées d’incendies dévastateurs. Habituée à porter secours, la France a été contrainte d’appeler cette fois-ci à l’aide ses partenaires européens pour les juguler. Le tribut versé par la faune et la flore à ces catastrophes promet d’être élevé.


LE HUFFINGTON POST

Les pluies orageuses ont inondé Paris, Montpellier ou encore Marseille ces 16 et 17 août. Les scientifiques appellent les villes à se préparer à des précipitations bien plus intenses qu’aujourd’hui.

Par Pauline Brault


Après les orages, des pluies diluviennes sont tombées à Paris, Montpellier et Marseille.

CLIMAT - La douche froide. L’intensité des orages accompagnés d’inondations a surpris les Parisiens ce mardi 16 août. Beaucoup moins les scientifiques qui alertent depuis des années sur l’intensification des pluies extrêmes en Europe de l’Ouest. Les images des rues ou des métros submergées ont montré à quel point les villes françaises ne sont pas prêtes du tout pour des « inondations pluviales » causées par le dérèglement climatique.

« Figurez-vous que moi ces inondations ne m’étonnent pas du tout, plaisante le climatologue Robert Vautard au téléphone. Celui qui est aussi coordinateur d’un chapitre du sixième rapport du Giec nous alerte : « 40 mm en 1h à Paris, c’est un phénomène local très élevé mais il faut s’attendre à bien pire dans le futur ». 100 mm en une heure ? « Rien de surprenant dans quelques années ! »

https://twitter.com/i/status/1559587537009754113

Ce n’est pas la Seine qui déborde, mais le ciel qui nous tombe sur la tête

Il existe au moins trois types d’inondations qui vont devenir récurrentes avec le changement climatique : les côtières liées à la montée des eaux, celles dues aux crues, et les « pluviales » comme on en a connu ces derniers jours. En effet, si certains Parisiens ont cru à un débordement de la Seine, il n’en est rien, ce sont bien des pluies orageuses qui se sont abattues en trombe sur leurs têtes. « Ces cumuls de pluie instantanés » sont peu prévisibles et localisés dans des zones bien précises, définit Robert Vautard.

Les inondations pluviales ne sont pas nouvelles, rappelle la géographe Magali Reghezza-Zitt et membre du Haut Conseil pour le climat depuis 2018 au HuffPost : « Nîmes en 1988, les parkings de Mandelieu en 2015, Nantes en 2016 », énumère-t-elle, mais le changement climatique vient intensifier le phénomène.

Les aléas climatiques font d’ailleurs déjà des ravages dans les régions méditerranéennes où « les pluies extrêmes ont augmenté de 20 % depuis le siècle dernier », rapporte Robert Vautard. Mais comment peut-on faire un lien entre des précipitations plus intenses et le réchauffement de la planète ?

« Ces inondations pluviales causent des dommages sévères et peuvent tuer »

Une loi physique peut l’expliquer nous répond Robert Vautard, « la formule de Clausius-Clapeyron dit que l’air peut contenir 7 % de plus de vapeur d’eau par degré supplémentaire. Donc plus le climat se réchauffe, plus la vapeur d’eau est importante dans l’atmosphère et lors de fortes précipitations on a plus d’eau qui descend, surtout des précipitations orageuses ».

Un climat qui change est en effet corrélé à l’intensification des extrêmes chauds, secs, et humides, poursuit Magali Reghezza-Zitt, mais la chercheuse appelle, elle, à la prudence : « On ne sait pas pour l’instant si ces orages sont liés (et comment) au climat qui change, mais on sait en revanche que ces inondations pluviales causent des dommages sévères et peuvent tuer. »

Tuer, vraiment ? Oui, dans les pays du Sud, nous confirme la géographe. Les précipitations provoquent des inondations et des glissements de terrain dans les quartiers informels ou les bidonvilles qui peuvent être mortels. En juillet, plus de 300 personnes ont perdu la vie au Pakistan et 5 000 logements ont été emportés par des pluies anormalement intenses, relate le site Euronews.

Dans les villes du Nord, le danger est surtout dû à notre impréparation. On a vu ces derniers jours des Parisiens incrédules devant les bouches de métro remplies d’eau, ou des Montpelliérains frappés par la place de la Comédie transformée en torrent de boue. Pour ne plus être surpris par ces évènements qui vont devenir la norme, il va falloir repenser nos systèmes d’alerte, nos pratiques, nos villes.

Des systèmes d’évacuation qui débordent

Aucune solution miracle n’existe pour adapter l’urbanisme aux aléas du climat, tous les leviers vont devoir être activés, nous explique Magali Reghezza-Zitt. L’un d’entre eux : revoir les dimensions des réseaux d’évacuation pour qu’ils soient capables de supporter plus de 100 mm d’eau en une heure.

De mauvais systèmes d’évacuation des eaux pluviales peuvent effectivement faire de lourds dégâts comme à Nîmes en 1988, nous raconte la chercheuse. Cette catastrophe naturelle a tué une dizaine de personnes. Alors pourquoi ne pas adapter un réseau capable d’absorber plus d’eau ? « Il y a de fait un calcul coût/bénéfice. Dimensionner des réseaux est coûteux, parfois impossible », poursuit-elle.

S’ajoutent dans certains cas les systèmes « naturels » d’évacuation de ces eaux de pluies, qui ont été imperméabilisés, ou qui sont obstrués par des déchets. C’est le cas dans les sous-sols du métro et RER parisiens où d’énormes pompes sont prévues pour évacuer l’eau, détaille le fil Twitter ci-dessous d’un conducteur SNCF. Il précise qu’« elles peuvent être rapidement bouchées par des déchets jetés par les usagers. D’où un entretien constant. »

Pomper les idées à l’étranger

Plus généralement, dire que nos infrastructures ne sont pas adaptées aux pluies diluviennes est un euphémisme alors que partout, on a artificialisé, creusé, imperméabilisé. Résultat : les sols n’ont plus de capacité d’absorption et l’eau ruisselle. Planter des arbres sur du béton ne suffit plus à résoudre ce problème, selon Robert Vautard. « Pour qu’il y ait moins de ruissellements dans les villes, il faut que les surfaces soient beaucoup moins artificialisées et plus naturelles. Aujourd’hui, construire une place avec des matériaux minéraux, c’est une absurdité ». En clair, mettre de la terre à la place du goudron.

Le chantier est de taille et ne se fera pas en un claquement de doigts. Chaque ville va devoir se creuser les méninges pour éviter d’être inondée tous les ans. Une bonne idée est de pomper les idées chez nos voisins.

Prenons l’exemple de la ville de Rotterdam aux Pays-Bas qui fait face aux crues du Rhin, à la montée de la mer du Nord et à de fortes précipitations. Pour stocker l’eau dans la ville, « des espaces publics qui servent en temps normal de terrain de jeu, se transforment en bassin de rétention en cas de fortes pluies », précise Magali Reghezza-Zitt.

Végétaliser les toits pour absorber l’eau, creuser des canaux ou surélever les villes : les idées ne manquent pas pour protéger les habitations. Seulement, la chercheuse nuance que ces progrès techniques ne pourront pas faire l’impasse de la sobriété, elle est « nécessaire pour rester sous ces fameux 2 °C au-delà desquels l’adaptation va devenir extrêmement compliquée, en particulier pour nos concitoyens les plus fragiles. »

https://www.huffingtonpost.fr/environnement/article/les-orages-violents-montrent-a-quel-point-les-villes-ne-sont-pas-pretes-aux-futurs-deluges_206662.html?xtor=EPR-5689964-[daily]-20220818

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