C'est une femme dont on ne
connaissait jusque-là que les parties intimes. On connait tous cette peinture ;
"L’Origine du Monde", de Gustave Courbet : le torse et le sexe d’une
femme allongée sur un lit, les cuisses écartées. Depuis cette semaine, on
connaît son identité. La fin d'un mystère vieux de plus de 150 ans...
D’elle, on ne connaissait
jusque-là que « le bijou », « le bonbon », « le berlingot », « la friandise »,
« le mille-feuille », « la fraise », « l’abricot », « la cerise ». Oui, d’elle,
on connaissait « la crèche », « le bénitier », « la chapelle », « la grotte »,
« la caverne », « la salle des fêtes »… On lui connaissait « le castor », «
l’escargot », « la marmotte », « le gardon », « la mouflette », « la cigale »,
« le hérisson »… Bref – appelons un chat un chat : on lui connaissait « le
minou » ! Certainement « le minou » le plus célèbre de la planète !
L'Origine du Monde, de Gustave Courbet © Getty / Daniel Giry/Sygma
On a tous la peinture en
tête : « L’Origine du Monde », de Gustave Courbet.
1866 : le torse et le sexe
d’une femme allongée sur un lit, les cuisses écartées. On connaît l’histoire du
tableau, commandé par le diplomate ottoman Khalil-Bey pour sa collection
personnelle de toiles érotiques. Il l’avait cachée derrière un petit rideau
vert. Par la suite, le sulfureux nu féminin s’est retrouvé chez des
antiquaires, avant d'être acheté par le psychanalyste Jacques Lacan. Depuis le
milieu des années 90, c’est au Musée d’Orsay qu’on peut l’admirer.
Un tableau qui intrigue et
choque aussi, parfois
En 1994, « le bijou »
figure sur la couverture d’un livre. Certains s’offusquent et la police fait
retirer l’ouvrage des vitrines de plusieurs librairies. Quinze ans plus tard,
Facebook, jugeant l’œuvre pornographique, décide de fermer les comptes qui la
reproduisent. Porno, le tableau de Courbet ? Mais non, simplement réaliste ! Et
s’il fascine autant, c’est car le peintre n’a jamais donné l’identité de la
femme qui lui a servi de modèle. On a évoqué l’hypothèse de Joanna, sa
maîtresse. Problème : elle était rousse et là, les poils pubiens sont bruns. On
a dit qu’il s’était inspiré d’une photo, ou même que la toile avait été coupée
en deux. La presse s'est enflammée il y a quelques années.
On a retrouvé la tête !
Et puis finalement non :
les morceaux ne collaient pas. Désormais, le mystère du modèle du tableau
semble enfin résolu.
La femme qui a posé pour
Courbet s'appelle Constance Quéniaux
On a vu partout son visage
dans les journaux. Constance Quéniaux avait également posé pour Nadar. Des
photos habillées. Robe longue, cheveux et sourcils noirs. C’est à un écrivain
qu’on doit la découverte : Claude Schopp, le biographe d’Alexandre Dumas fils.
Découverte fortuite. Alors qu’il étudiait des lettres de Dumas à George Sand,
il découvre une phrase où Dumas, à propos d’une toile de Courbet, signale
qu’elle représente « l’intérieur de Mademoiselle Quéniaux », un « intérieur » qu’avait
l’habitude de « visiter » le fameux Khalil-Bey, le commanditaire de L’Origine
du Monde !
Cette fois, tout concorde
et Claude Schopp a écrit un livre où il raconte l’histoire du modèle oublié !
Naissance à Saint-Quentin. Un père inconnu, une mère illettrée qui travaille
dans la confection. Puis direction Paris : à 14 ans, Constance devient petit
rat de l’Opéra.
On vante sa légèreté, mais
elle reste une ballerine de second rang
En revanche, avec les
hommes, elle s’y prend comme une reine et, à 25 ans, elle se met à monnayer ses
charmes. Une demi-mondaine qui choisit ses protecteurs. Couche contre de
l’argent. Notamment celui du diplomate Khalil-Bey, qui demande à Courbet de
peindre la toison abondante de sa maîtresse, âgée alors de 34 ans.
La courtisane s’enrichit,
la voilà femme du monde. Elle s’offre une villa à Cabourg et finit philanthrope
: donne aux associations, aide les orphelins. Constance Quéniaux doit donc
beaucoup à la fortune des hommes, mais c’est avec des femmes qu’elle préférait vivre.
Des comédiennes, des danseuses, des chanteuses. Cocasse quand on pense aux
débats du moment...
« L’Origine du Monde »,
c’est le bas-ventre d’une prostituée bisexuelle qui n’a jamais eu d’enfant
L’histoire est captivante,
mais tout de même, on s’interroge. Faut-il vraiment résoudre les énigmes de
l’art ? On est content de savoir, mais ne pas savoir, c’est bien aussi ! Les
gens doivent-ils savoir que c’est Mireille Mathieu qui a posé pour Les
Demoiselles d’Avignon ? Les gens doivent-ils savoir que c’est Arielle Dombasle
qui a posé pour la Vénus de Milo ?
Et la Joconde, pourquoi
sourit-elle comme ça ? Des chercheurs, des médecins se sont penchés sur la
question. Conclusion : elle avait sans doute une paralysie du nerf facial. Et
vu sa peau jaune et son goitre, elle souffrait vraisemblablement
d’hypothyroïdie ! A-t-on vraiment besoin de connaître ces choses-là ? Non, pas
nécessairement. Il faut peut-être protéger certains mystères. C’est moins
intéressant quand tout est expliqué. C’est comme l’amour, en fait. Le grand
amour est celui qui ne s’explique pas.
En revanche, le plaisir est
parfois décuplé quand on sait le nommer. On s'en rend compte en écoutant Les
Nuits d'une Demoiselle de Colette Renard...
https://www.franceinter.fr/emissions/le-quart-d-heure-de-celebrite/le-quart-d-heure-de-celebrite-28-septembre-2018
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