L’artiste pop Dan Groover a
pratiqué son art de Paris jusqu’en Guadeloupe, avant de poser ses bombes de
peintures dans son atelier de Jérusalem
JESSICA STEINBERG
L´odeur de peinture fraîche et de la soupe de légumes envahissent l’atelier glacé de Talpiot, en ce jour de mars un peu frisquet, où Dan Groover, casquette vissée sur ses boucles noires et longs tzitzit sur le jean, a peint à la bombe une Étoile de David sur le mur cimenté.
C’est l’un des symboles
récurrents des œuvres de Groover. Un art que l’on pourrait définir comme un
mélange d’art de rue audacieux et de graffitis lumineux, qui raconte l’histoire
des Juifs, depuis la création du monde jusqu’à David Ben Gurion, et même
au-delà, et qui reflète son propre parcours d’artiste aux origines
franco-israélo-tunisiennes.
Une œuvre de Groover – un
nom d’emprunt – c’est à la fois de la peinture et du spectacle. Sur un fond de
musique hip-hop enivrante, il peint au pochoir des mots et des images et semble
s’abandonner aux murs ou aux toiles.
Mais il y a un projet à la
clé, et pour Groover, qui s’exerce depuis des années, c’est une évidence.
« Je regarde ces images de
l’histoire israélienne moderne comme partie intégrante d’un projet qui a débuté
à la création, explique Groover. C’est un autre arrêt d’une longue histoire. Et
je le vois ainsi parce que je comprends que ce projet, c’est celui des Juifs et
des autres nations, et que c’est un cheminement. »
Il y a un élément
linguistique dans ces performances, grâce à l’associée de Groover, Sarah SaHad,
poète et essayiste qu’il a rencontrée durant une de ses expositions à Tel Aviv.
Toutes ces performances sont un mélange de l’art de Groover et de la poésie de
Sarah, sur un fond musical qui peut aller de Dr Dre à James, en passant par
Hadag Nachash ou encore Jay Z.
Groover souligne que le
public ne saisit pas toujours le lien entre pop-art et judaïsme.
« Je suis un mec religieux,
mais je fais du street art et j’écoute James Brown, dit-il. C’est une synergie
de tous les milieux. Je serai celui que vous voulez que je sois. »
Groover à commencé à
dessiner alors qu’il n’était qu’adolescent. Il vivait avec ses parents dans les
banlieues difficiles de la Seine Saint-Denis (93), une enclave peuplée
d’immigrants arabes et africains du nord-est de Paris.
Il a commencé à gribouiller
sur ses cahiers d’écoles avant de prendre possession des murs de son quartier.
Ses graffitis étaient davantage un moyen d’expression de la musique hip-hop
qu’un vandalisme anti-establishment.
« C’était facile pour moi,
et j’étais doué, donc j’ai commencé à le faire en public, raconte-t-il. Un
artiste de rue qui travaille quand personne ne le voit et personne ne le
connait, c’est très différent. Je ne savais pas à quoi ça allait ressembler à la
lumière du jour. Et j’adorais ça. »
Ses parents étaient, d’une
certaine manières, assez peu conventionnels dans leur façon d‘accepter ce qu’il
faisait. Groover se souvient que son père savait qu’il sortait en pleine nuit
pour peindre dans la rue, et ne le lui a jamais interdit. Au lieu de cela, il
s’assurait que Groover sache comment faire attention à lui.
À l’époque, Groover
percevait son art de rue comme une expression de hip-hop, et non pas comme de
l’art, ni comme une discipline.
« Ça s’appelait de l’art,
mais ça ne m’intéressait pas, explique Groover. Nous voulions nous amuser et
faire de la musique, et il y avait un instinct de survie dans cette culture. »
Mais c’est quand sa famille
a déménagé pour la Guadeloupe, un département d’outre-mer des Caraïbes, que
Groover a pu évoluer et progresser en tant qu’artiste, puis en tant que Juif.
« Mon père avait trouvé du
travail. Je n’avais pas envie d’y aller, parce qu’il n’y avait rien pour moi
là-bas, ni hip-hop ni mur à peindre, se souvient-il. Mais on pouvait faire ce
qu’on voulait, donc je me suis cherché. »
Groover se souvient de
l’atterrissage en Guadeloupe, et à la vue des étendues de murs autour du stade
local, il a commencé à penser que peut-être, il survivrait à ce déménagement.
« Petit à petit, j’ai
intégré le monde de l’art, dit-il. Ça ne m’intéressait pas nécessairement, je
voulais juste faire de l’art. »
Ses premières œuvres ont
été vendues dans des galeries locales, durant des festivals, comme une première
validation d’un autre public.
Groover a commencé à
envisager l’art de rue d’un œil différent, comme un moyen de répondre à
d’autres problématiques.
Il avait 24 ans à l’époque,
et pensait au judaïsme, à ce que cela signifiait pour lui. Groover a commencé à
s’instruire sur son identité de Juif grâce à des livres que le rabbin lui avait
fournis. Et très peu de temps après, il a pris la direction d’Israël. Pendant
sept ans, il a étudié dans une yeshiva de Kiryat Moshe, à Jérusalem. Il a été
brièvement marié à cette période également.
« J’ai à peine peint durant
cette période, raconte Groover. J’étais en mode Rabbi Shimon Bar Yohaï dans sa
grotte », dit-il en se comparant au sage du IIe siècle, qui avait été contraint
de se cacher des Romains qui régnaient sur Israël à l’époque.
« C’était une expérience
qui valait mille peintures, mais je n’ai pas peint », ajoute-t-il.
L’étape suivante consistait
à trouver comment concilier l’art de rue avec tout ce qu’il avait appris, avec
l’homme religieux qu’il était devenu.
« Je ne suis pas un
enseignant ni un penseur. Je fais des choses » dit-il.
Il a lancé ce qu’il a
appelé le Projet des Échelles, pour relier les cieux et la terre, le judaïsme
et la vraie vie, une passerelle entre « les deux mondes ».
Et c’est ce qu’il fait
aujourd’hui, à peindre des emblèmes juifs, depuis la Bible jusqu’à David Ben
Gurion en passant par Golda Meïr, un amalgame de couleurs et de pensées.
« Je n’attends pas des gens
qu’ils lisent un demi livre pour comprendre, ajoute Groover. Ils vivent l’art
et le plaisir de l’art, et à partir de là, s’ils veulent poser des questions et
comprendre, ils peuvent. »
Les œuvres de Dan Groover
seront exposées à la Galerie Oknin à Netanya à partir du 28 mars. Il a
également une exposition permanente à la Terminal Gallery de l’Ancienne Gare de
Jérusalem, où il donnera une présentation devant 700 blogueurs le 22 mars.
Les œuvres de Groover sont
également exposés à la Galerie Art’Drenaline, sur Harav Yedidia Frenkel Street,
dans le quartier de Florentin, à Tel Aviv.
http://fr.timesofisrael.com/de-lart-de-rue-du-groove-et-beaucoup-dame/?utm_source=A+La+Une&utm_campaign=083a3ec02f-EMAIL_CAMPAIGN_2017_03_17&utm_medium=email&utm_term=0_47a5af096e-083a3ec02f-55586581
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