Dans son nouveau bureau
grassois, le parfumeur-créateur de Dior nous parle, le temps d’une interview
exclusive, de sa vision de la ville berceau de la parfumerie et de son nouvel
atelier de création high-tech.
DiorMag : Vous avez grandi
à Grasse, avez-vous des souvenirs d’enfance liés aux Fontaines Parfumées ?
François Demachy : J’étais
à l’école à deux cents mètres d’ici avec l’un des fils de la dernière famille
propriétaire du lieu. Je me rappelle très bien quelques après-midi où nous
sommes venus ici quand j’avais dix ans. Je me souviens de la rotonde, du moulin
qui était alors en ruines et du jardin qui était pour nous une jungle
fascinante. Le lieu, qui était connu des Grassois, s’est endormi peu à peu ; il
avait été oublié… jusqu’à aujourd’hui.
DM : Que représente
l’installation de votre atelier de création aux Fontaines Parfumées, à Grasse,
la ville berceau de la parfumerie ?
FD : C’est un retour aux
sources. L’histoire qui unit depuis toujours Dior à Grasse me touche : l’idée
de Miss Dior est née dans la région, Eau Sauvage a été créée par Edmond
Roudnitska, qui habitait près d’ici et était client de la pharmacie de mon
père… Tout cela me parle, et c’est très significatif que Dior revienne ici.
Surtout, cela influence la qualité des parfums que nous créons, par la qualité
des ingrédients et des savoir-faire de la région. Mettre du jasmin de Grasse
dans J’adore, par exemple, c’est un plus. Je crois beaucoup à l’accumulation
des petites différences comme celle-ci, qui donnent au parfum une singularité
sensible.
DM : Comment ont été
choisies les essences qui composent le jardin de parfumeur entourant la bastide
?
FD : Le jardin a été conçu
avec Jean Mus, un véritable poète paysagiste. Nous lui avons soumis principalement
deux suggestions. D’abord, celle d’utiliser des plantes du terroir : des
figuiers ou des acanthes, qui étaient déjà là et que nous avons voulu préserver
; des espèces qui poussent dans la région comme les arums, la myrte ou le
lavandin ; et, bien sûr, du jasmin et de la rose de Grasse. Et puis il fallait
que l’on puisse rencontrer des odeurs intéressantes en se promenant dans le
jardin. Par exemple nous avons un parterre de menthe avec beaucoup de variétés
différentes, dont les odeurs se dégagent quand on marche dessus. Enfin, on
trouve beaucoup d’essences liées à la parfumerie, mais pas uniquement : il y a
aussi des clins d’œil comme le muguet, la fleur préférée de Christian Dior.
DM : Quelles sont les
innovations qui vous tenaient à cœur pour la construction de votre atelier de
création ?
FD : Nous avons
particulièrement insisté sur deux choses : la lumière et la ventilation. Dans
une bastide provençale comme celle-ci, c’est assez sombre en hiver car les murs
sont épais et les ouvertures étroites, afin de se protéger de la chaleur et du
soleil en été. Il fallait donc un éclairage d’appoint qui reproduise la lumière
du jour – c’est capital pour faire des pesées très précises. Pour la
ventilation, nous avons une machine énorme qui occupe toute la surface de
l’étage sous les toits et change l’air entre sept à dix fois par heure. Cet air
est traité – refroidi, réchauffé, humidifié ou séché – puis diffusé à basse
pression, sur une grande surface et à faible vitesse pour ne pas gêner la
précision des balances, qui pèsent au milligramme près.
http://www.dior.com/diormag/fr_fr/suggest/les-fontaines-parfum%C3%A9es
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