« Pourquoi tant de
rousses ? » se sont, de tout temps, interrogés les visiteurs du musée national
Jean-Jacques Henner. Cette question taraudante a été à l’origine de cette
exposition. Il est vrai que la recherche menée à cette occasion montre une
couleur invasive dans l’oeuvre du peintre. La Comtesse Kessler, Hérodiade, La
Vérité, La Liseuse, toutes sont rousses au point que, en 1887, le Journal
amusant coiffe d’un casque la chevelure flamboyante de Rêverie rebaptisée « La
femme du pompier » et que, plus récemment, Henner a pu être qualifié de «
peintre qui aimait les rousses », en clin d’oeil au célèbre film de François
Truffaut.
La couleur rousse
revient d’ailleurs comme un leitmotiv chez tous les caricaturistes qui se sont
intéressés à la peinture de Jean-Jacques Henner. Si la réponse à la question
posée par les visiteurs ne va pas de soi, elle ouvre des pistes sur l’intimité,
la psychologie d’un homme peu disert en la matière. Il semblerait bien que l’on
puisse interpréter cette chevelure rousse en contradiction avec le corps
virginal comme le signe tangible du « feu sous la glace », une érotisation
subtile de nus souvent vaporeux. Le Christ au tombeau reste le plus intrigant,
sans que l’on puisse faire un lien direct avec un précédent roux fameux, celui
de Jésus insulté par les soldats (Chicago, Art Institute) d’Édouard Manet,
exposé au Salon de 1865. Si les peintures de Henner présentant cette
caractéristique nous étaient déjà connues, les dessins volontairement confinés
en réserve pour leur conservation sont une véritable nouveauté et ont la part
belle dans cette exposition.
La sanguine devient
le média privilégié pour faire flamboyer la chevelure d’une Madeleine,
d’Andromède, de Judith, de La Vérité et jusqu’au Christ mort. Cette couleur
devenue fétiche l’amène même à coloriser tardivement la chevelure d’Ève dans un
dessin figurant Adam et Ève trouvant le corps d’Abel, reprise du sujet avec
lequel il remporta le prix de Rome en 1858.
Ce sont différents
aspects de la rousseur que présente cette exposition, à travers des peintures
de contemporains de Henner comme Carolus-Duran ou Edgard Maxence, une pochette
de disque de David Bowie, qualifié parfois d’« homme à la chevelure rouge », ou
encore diverses marionnettes d’ogre et de diablesse. Sans prétendre traiter le
sujet de la rousseur de manière exhaustive, l’exposition montre toutefois
l’importance de cette couleur tellement distinctive à travers des oeuvres qui
ne manqueront pas d’étonner et de détonner ! Les masques généreusement prêtés
par le musée du quai Branly – Jacques Chirac sont à ce titre particulièrement
bienvenus ainsi que les créations de couturiers en hommage à Sonia Rykiel,
icône de la rousseur s’il en fut. Dans les photographies de Geneviève Boutry ou
les affiches d’Eugène Grasset et Leonetto Cappiello, la chevelure se fait là
aussi parure. Une part belle est faite aux héros de notre enfance, de Spirou à
Poil de carotte et aux citations littéraires. Une invitation inespérée à relire
Les Fleurs du Mal de Baudelaire et son poème « À une mendiante rousse » :
Blanche fille aux
cheveux roux
Dont la robe par ses
trous
Laisse voir la
pauvreté
Et la beauté.
Marie-Cécile Forest
directrice de
l’établissement public
du musée national
Jean-Jacques Henner
et du musée national
Gustave Moreau
http://www.musee-henner.fr/musee-atelier/roux-de-jean-jacques-henner-sonia-rykiel
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