MÉMOIRE La cérémonie de commémoration à laquelle participaient plus
de 200 survivants venus du monde entier a sonné comme un avertissement face à
l’antisémitisme
Andrzej Duda (au
premier plan) lors de la cérémonie de commémoration des 75 ans de la libération
d'Auschwitz, le 27 janvier 2020. — ALEKSIEJ WITWICKI/Belga/Sipa USA
Soixante-quinze ans après la libération d’Auschwitz, des survivants
de l’Holocauste, toujours moins nombreux, se sont réunis lundi sur ce site pour
honorer les plus de 1,1 million de personnes qui y ont été tuées,
principalement des Juifs.
Des têtes couronnées, des chefs d’Etat ou de gouvernement de
quelque 60 pays les ont rejoints à l’endroit, dans le sud de la Pologne, où
s’étendait le plus grand des camps de la mort mis en place par l’Allemagne
nazie, devenu le symbole des six millions de Juifs européens alors assassinés.
Arrivés du monde entier, ils ont été plus de 200 survivants sur ce site pour
partager leurs témoignages entendus comme un avertissement après une récente
vague d’attaques antisémites des deux côtés de l’Atlantique, certains mortels.
La cérémonie commémorative, sous une grande tente érigée face à la « porte de
la mort » en briques rouges dans la partie du camp située à Birkenau, s’est
ainsi déroulée dans le contexte du développement des groupes de suprémacistes
blancs aux États-Unis et des partis d’extrême droite en Europe.
« Ne soyez pas indifférents ! »
À la tombée de la nuit, les survivants de l’Holocauste et les
dignitaires, lumignons à la main, ont marché le long du chemin de fer qui avait
à l’époque emmené des Juifs jusqu’aux chambres à gaz. Ils ont déposé les
lumières et des fleurs au pied d’un monument commémoratif. Les survivants,
portant des bonnets et des écharpes à rayures bleues et blanches pour
symboliser les uniformes des prisonniers du camp, ont traversé le tristement
célèbre portail en fer forgé surmonté d’un sinistre « Arbeit macht frei » (en
allemand, « Le travail rend libre »), avant de déposer des couronnes de fleurs
près du « mur de la mort », où les nazis ont abattu des milliers de
prisonniers.
« Auschwitz n’est pas tombé du ciel soudainement, Auschwitz
trottinait, marchait à petits pas, se rapprochait, jusqu’à ce qu’il arrivât ce
qui est arrivé ici », a averti Marian Turski, 93 ans, un survivant juif polonais
du camp, qui a appelé à la vigilance contre les violations des droits des
minorités, élément-clé pour préserver la démocratie et éviter de nouveaux
génocides. « Ne soyez pas indifférents ! », a-t-il imploré, devant les membres
de familles royales et les hommes politiques réunis pour la cérémonie
commémorative du soir.
Plusieurs chefs d’Etats présents
À partir du milieu de 1942, les nazis déportèrent systématiquement
des Juifs de toute l’Europe vers six grands camps d’extermination :
Auschwitz-Birkenau, Belzec, Chelmno, Majdanek, Sobibor et Treblinka. « Trop de
gens, dans trop de pays, ont fait d’Auschwitz une réalité », a déclaré dans son
discours Ronald Lauder, le président du Congrès juif mondial, soulignant que «
pratiquement tous les autres pays européens ont aidé les nazis à rassembler
leurs citoyens juifs ». « Il est honteux que 75 ans plus tard, ils (les
survivants d’Auschwitz) voient leurs petits-enfants à nouveau confrontés à la
même haine… Cela ne doit jamais être toléré », a insisté
Ronald Lauder.
Le président polonais Andrzej Duda a pour sa part mis en garde
contre le négationnisme et le révisionnisme historique, après avoir récemment
reproché à son homologue russe Vladimir Poutine d’accuser à tort la Pologne de
collusion avec Adolf Hitler et d’avoir contribué au déclenchement de la Seconde
Guerre mondiale. Plusieurs chefs d’État, dont les présidents d’Israël,
d’Allemagne et d’Ukraine, ont participé à la commémoration, ainsi que le
Premier ministre français. Les États-Unis et la Russie ont envoyé des
représentants d’un rang inférieur.
Les Alliés savaient dès 1942
Si le monde n’a appris toute l’étendue des horreurs qu’après
l’entrée de l’Armée rouge dans le camp d’Auschwitz le 27 janvier 1945, les
Alliés disposaient bien avant d’informations détaillées sur le génocide des
Juifs. En décembre 1942, le gouvernement polonais en exil à Londres avait
transmis aux Alliés un document intitulé « L’extermination massive des juifs
dans la Pologne occupée par l’Allemagne ». Ce document, accueilli avec méfiance,
comprenait des comptes rendus détaillés sur l’Holocauste dont les membres de la
résistance polonaise avaient été les témoins.
Considérés comme exagérés ou faisant partie de la propagande de
guerre polonaise, les Alliés n’ont pas cru « nombre de ces rapports », explique
le professeur Norman Davies, un historien britannique d’Oxford. Malgré les «
fortes demandes » de la résistance polonaise et juive en vue d’un bombardement
par les Alliés des voies ferrées menant à Auschwitz et à d’autres camps de la mort,
« l’attitude des militaires consistait à se concentrer sur des cibles
militaires et non sur des questions civiles », explique Norman Davies. « L’une
des cibles que l’armée (britannique) a bombardées était une usine de carburant
synthétique près d’Auschwitz » en 1943-44. Bien que les avions de guerre
britanniques aient survolé le camp d’extermination, aucun ordre de bombardement
n’a été donné.
« Ce fut l’un des plus grands crimes commis par ceux qui sont
restés indifférents, parce qu’ils (les Alliés) auraient pu faire quelque chose
mais délibérément ils ne l’ont pas fait », juge David Lenga, 93 ans, un des
survivants. Auschwitz-Birkenau, où le nombre des morts a été le plus élevé, est
le seul des camps nazis à avoir été préservé. Créé en 1940 par les nazis qui
l’ont administré jusqu’en 1945, Auschwitz faisait partie d’un vaste réseau de
camps à travers l’Europe mis en place dans le cadre de la « Solution finale »
d’Adolf Hitler, en vue du génocide d’environ 10 millions de Juifs européens.
https://www.20minutes.fr/monde/2704951-20200127-avertissement-survivants-holocauste-75-ans-apres-liberation-auschwitz
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