Par Inès Piovesan
Les danseurs Étoiles Mathias Heymann et Myriam Ould-Braham interprètent
deux des trois ballets à l’affiche du programme George Balanchine : la reprise
de Brahms-Schönberg Quartet et l’entrée au répertoire de Mozartiana.
En hommage à Violette Verdy, ils dansent aussi Sonatine, donné
exceptionnellement pour les cinq premières représentations. À l’occasion d’une
prise de vues pour la réalisation de l’affiche du spectacle, Mathias Heymann
livrait ses impressions sur ce répertoire poétique, exigeant, d’une extrême
musicalité.
Vous interprétez avec Myriam Ould-Braham Sonatine, donné en hommage à
Violette Verdy à l’occasion du programme George Balanchine. L’avez-vous connue
? Quel héritage vous a-t-elle laissé ?
Mathias Heymann : Je l'ai connue brièvement, à l’occasion de cours de
danse qu’elle donnait à la Compagnie en tant qu’artiste invitée. Je venais
d’entrer dans le Ballet. Evidemment, à l’École de Danse, j’en avais déjà
beaucoup entendu parler : les élèves ont tendance à se tourner vers ces
danseurs qui ont marqué leur époque. Violette était une pionnière : elle avait
quitté la France pour poursuivre sa carrière aux États-Unis, avait été l'une
des égéries de Balanchine... J’étais curieux de la rencontrer et, comme
beaucoup, j’ai été charmé par la personne. Elle avait une joie d’être et de
transmettre communicative.
Que vous
a-t-elle transmis de Balanchine ?
M. H. : Dans ses cours de danse, elle insistait sur la musicalité,
elle y était très attachée : il y avait beaucoup de changements de rythmes dans
ses exercices à la barre. Elle nous transmettait aussi cette particularité du
langage de Balanchine qui, dans l'académisme du classique, ouvre certains axes,
certains épaulements. La technique de base est la même mais les angles varient,
tout comme les intensités. Quand on est jeune danseur, on pense davantage à la
finalité du mouvement, Violette nous apprenait au contraire à l’apprécier, à
prendre le temps, à «l'adoucir » afin de l'amener de manière plus agréable pour
le corps. Personnellement, j'avais tendance à aborder certaines choses avec
force et je me souviens d’elle nous répétant : « Relâchez ! Cool, cool ! Le mouvement
est là, vous l'avez, vous êtes danseurs, ce n’est pas la peine de chercher
plus. » Efficacité, simplicité, c'était ses maîtres-mots et c’est ce que je
retiens d'elle.
Aujourd'hui, nous répétons avec Bart Cook, qui vient du Balanchine Trust.
Il nous parle de Violette comme un alliage de musicalité, de fraîcheur, de
simplicité et de grâce... Sonatine a été créé sur elle et sur
Jean-Pierre Bonnefous qui était Étoile à l’Opéra. Ce pas de deux est une
démonstration de la vision que Balanchine pouvait avoir de l'élégance à la française.
Plus qu’un pas de deux, la présence du piano sur scène et la musique de
Ravel, qui est un point central de la pièce, fait qu’en réalité, il s’agit
davantage d’un trio. C'est un jeu entre la danse et la musique, il faut arriver
à une symbiose qui ferait que l’on ne saurait plus qui de la musique ou du pas
initie le mouvement.
Vous
soulignez l’importance de la musicalité chez Balanchine. Comment cela se
traduit-il dans ses chorégraphies ?
M. H. : La place de la musique est primordiale chez Balanchine, c’est
la base de tout. Je m'applique à bien la connaître avant de maîtriser la
chorégraphie. Je suis malgré tout assez « novice » dans son répertoire, je n'ai
pas abordé beaucoup de pièces mais c’est à chaque fois une découverte. Il y
certes des éléments chorégraphiques et musicaux qui peuvent donner une ambiance
et un ton mais dans la plupart de ses œuvres, il n’y a pas d'histoire, pas de
narration. Ces ballets abstraits laissent la place à l'imaginaire et à la
liberté dans le mouvement.
Vous parlez
d’ambiances différentes pour chaque œuvre. Finalement, qu’est ce qui rassemble
et différencie les pièces réunies dans cette soirée ?
M. H. : Ce qui les rassemble est sans aucun doute ce rapport
particulier à la musique. Dans Brahms Schönberg Quartet, il y a
quatre mouvements qui se distinguent par la musique. Chaque mouvement apporte
une dramaturgie différente. Myriam et moi, interprétons le troisième, «
romantique ». L’atmosphère est calme, je ne suis entouré que de danseuses et il
y a quelque chose de très fluide. Le mouvement qui suit, en revanche, est un
vrai feu d'artifice, il dégage une énergie qui correspond au Finale du ballet.
Sonatine s’apparente à une ballade, il y a dans la musique de Ravel de nombreuses références à l’eau, c’est bucolique. À l'époque où Balanchine a crééSonatine, il était focalisé sur Violette et a donné à l'homme le rôle d’une sorte d'esprit qui accompagne la pensée de la ballerine. Souvent, dans les pas de deux classiques, le danseur a les choses en main. Là, il faut se laisser guider, trouver avec sa partenaire un lâcher prise, un laisser-aller.
Enfin, Mozartiana, me fait penser aux cours royales. Il y a quelque chose de majestueux, de noble dans ce ballet. C’est l’une des dernières créations de Balanchine et c’est un point culminant dans son parcours : il arrive à la fin de sa vie, il a accumulé énormément de connaissances. Techniquement, c'est virtuose, la danseuse a des pas techniques redoutables et qu’il faut savoir faire avec une certaine hauteur.
Sonatine s’apparente à une ballade, il y a dans la musique de Ravel de nombreuses références à l’eau, c’est bucolique. À l'époque où Balanchine a crééSonatine, il était focalisé sur Violette et a donné à l'homme le rôle d’une sorte d'esprit qui accompagne la pensée de la ballerine. Souvent, dans les pas de deux classiques, le danseur a les choses en main. Là, il faut se laisser guider, trouver avec sa partenaire un lâcher prise, un laisser-aller.
Enfin, Mozartiana, me fait penser aux cours royales. Il y a quelque chose de majestueux, de noble dans ce ballet. C’est l’une des dernières créations de Balanchine et c’est un point culminant dans son parcours : il arrive à la fin de sa vie, il a accumulé énormément de connaissances. Techniquement, c'est virtuose, la danseuse a des pas techniques redoutables et qu’il faut savoir faire avec une certaine hauteur.
Dans cette
prise de vues, on a l'impression d'une grande complicité entre vous deux, mais
aussi de douceur et de rigueur. Est-ce que ce sont là des qualités nécessaires
pour danser Balanchine ?
M. H : Entre Myriam et moi, il y a un vrai rapport de confiance. On
danse ensemble depuis longtemps. On travaille quotidiennement et on finit par
savoir anticiper les réactions de l'autre ou juste s'adapter à ce que l'autre
nous donne. Myriam a une sensibilité et une fragilité qui me poussent à être
encore plus attentif. Elle dégage aussi naturellement quelque chose de
lumineux. Ce sont des danses de couple, il y a un échange réel entre les deux
partenaires. Du début à la fin, Sonatine n’est qu’une
succession de questions-réponses, c’est un va-et-vient perpétuel entre elle et
lui. Il faut réussir à arriver sur scène comme si l’on ne connaissait pas les
pas à l’avance et que l’on répondait le plus naturellement possible à la
proposition de notre partenaire. Certes la chorégraphie est beaucoup plus
complexe que cela peut sembler mais un interprète qui survole, qui prend du
plaisir à danser, ça n'a pas de prix. Et je continuerai, jusqu'au bout, à aller
vers cette simplicité et ce naturel.
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