Texte d’amour mystique, hymne à l’amour charnel,
grandiose métaphore poétique de l’amour divin, ce poème, entré dans le corpus
biblique au IIIe siècle, émeut, fascine et interpelle. Il nourrit les
interprétations de la Tora : le Talmud (IIe siècle avant notre ère – VIe siècle
après), le Midrach Rabba et le Zohar (XIIIe siècle). Il a suscité des
commentaires infinis chez les exégètes juifs, chrétiens et les grands érudits.
Pourquoi ce poème a-t-il survécu ? Comment est-il entré dans le corpus biblique
? Quel mystère recèle-t-il ? Et comment le lire ?
J’ai déjà parlé de ma fascination pour le Cantique des Cantiques, hapax
dans un corpus biblique qui ne m’émeut guère ni n’excite beaucoup mon
imaginaire. Or il se trouve que, justement, j’étais toute à un texte où
le Cantique avait sa place lorsque j’ai reçu cette
merveilleuse édition, bien plus complète que celle dont je disposais. Magie de
la synchronicité, qui ne cesse de m’émerveiller.
A la place centrale, le texte lui-même, en quatre
langues : l’hébreu avec la Biblia Hebraica Stuttgartensia, le
grec avec la Septante, le latin avec la neo-vulgate, et
quatre traductions françaises choisies de manière à représenter les versions
utilisées par les différentes communautés religieuses : la Bible de Jérusalem
(pour la tradition catholique), la Bible Segond (pour la religion protestante),
la Bible du Rabbinat (pour le judaïsme) et la Bible de Chouraqui (universelle).
De quoi se plonger, donc, directement au coeur du texte et de ses langues. Même
si on ne maîtrise pas les trois langues anciennes reproduites, c’est tout de
même un plaisir infini de les avoir sous les yeux, de les parcourir, d’en
capter la magie, de remonter aux origines du texte, tout comme il est fascinant
de comparer les traductions, chaque mot étant pesé, et le sens jaillissant de
l’ensemble.
Jean-Christophe Saladin, dans son introduction
« la tradition des Bibles polyglottes », interroge le problème de
l’intégration du Cantique au corpus biblique et réfléchit sur
l’aventure éditoriale des bibles polyglottes à la Renaissance. Mais c’est
surtout son deuxième article, « Une poésie érotique religieuse », qui
m’a passionnée et a profondément nourri ma réflexion : partant des origines du Cantique, notamment
orientales, et son intertextualité, il évoque les différentes pistes du poème,
avec notamment un fascinant développement sur le Mariage Sacré. Cet article a
confirmé une intuition que j’avais sur certains éléments, et j’en suis plus que
ravie.
Marc-Alain Ouaknin de son côté nous invite dans le
travail herméneutique et les traductions. Dans « Un doux éclat de
lire », il nous dévoile quelques mystères de la langues hébraïques et les
principes qui président à l’interprétation des textes ; dans « la danse
des mots » il choisit sept mots emblématiques du Cantique et
confronte les différentes traductions, leurs différences et leurs nuances, et
nous fait prendre conscience, de manière vertigineuse, de l’infini des
possibles, tant chaque racine déploie des infinités de sens possibles, faisant
écho à d’autres textes bibliques. Enfin, dans « L’ivresse des
parfums », il montre comment le poème peut être rapproché d’un traité de
parfumerie.
Riche, érudite, vertigineuse, exigeante, cette
édition est indispensable à tous ceux qui s’intéressent auCantique des
Cantiques mais aussi, plus largement, à l’exégèse des textes sacrés.
Elle n’en épuise pourtant pas le sens, car il est inépuisable, mais propose des
pistes à la réflexion et à la rêverie que l’on soit religieux, ou non !
Cantique des Cantiques – Sept lectures poétiques
Diane de Selliers, 2016
Diane de Selliers, 2016
http://www.tribunejuive.info/livres/le-cantique-des-cantiques-aux-editions-diane-de-selliers
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