La ville antique de Césarée est construite avec une recette
surprenante de mortier, a découvert une équipe de géologues de l’Université de
l’Utah
AMANDA BORSCHEL-DAN
Une équipe de géologues de l’Université de l’Utah a découvert le
secret de la puissance de maintien des structures construites à partir de
ciment romain. Jusqu’à 2 000 ans d’âge, ces chefs-d’œuvres humains, comme le
port de Césarée en Israël, tiennent là où des édifices modernes en ciment
s’effondreraient.
Pour trouver la réponse à cette question, une équipe dirigée par la
professeur de géologie Marie Jackson de l’Université de l’Utah s’est tournée
vers ses aînés. Et plus précisement Pline l’Ancien.
Dans son œuvre du premier siècle avant l’ère commune, Histoire
naturelle, Pline l’Ancien a écrit sur le processus de formation de pierres
impliquant des cendres volcaniques, « qui dès qu’elles entrent en contact avec
les vagues de la mer et sont submergées se transforment en une unique masse de
pierre, insensible aux assauts des vagues et chaque jour plus forte », comme
l’a cité Jackson dans une nouvelle étude publiée ce mois-ci dans American
Mineralogist.
Après avoir testé des échantillons de béton romain provenant de
plusieurs ports romains en Italie, l’équipe de Jackson a conclu : « la
résilience chimique à long terme du béton dépend évidemment des interactions
eau-roche, comme l’avait déduit Pline l’Ancien. »
En étudiant les noyaux prélevés sur le béton du port romain,
Jackson et son équipe ont trouvé un minerai rare, de la tobermorite
(Al-tobermorite), dans la composition du mortier. Selon un article de Phys.org
sur cette nouvelle étude, ce type de cristaux de minerai sont « formés dans des
particules de calcaire par des réactions pouzzolaniques à des températures
quelque peu élevées ». Étant donné que la tobermorite est difficile à fabriquer
même dans le meilleur des laboratoires modernes, sa présence a été une surprise
pour Jackson.
« En tant que géologues, nous savons que les roches changent, a dit
Jackson à Phys.org. Le changement est une constante pour les matériaux
terrestres. Alors, comment le changement influence-t-il la durabilité des
structures romaines ? »
Ce qui est peut-être également tout aussi remarquable dans
l’intuition qu’ont eu les constructeurs romains sur les processus chimiques
impliqués dans la création du minerai stabilisant le béton, la tobermorite,
c’est la normalisation de leurs matériaux de construction pour des projets dans
tout l’Empire romain.
Le port israélien de Césarée Maritima, nommé en l’honneur de César
Auguste, le fondateur de l’Empire romain, a été établi par Hérode le Grand, qui
a régné entre l’an 37 avant l’ère commune et l’an 4 de notre ère, selon la
Société d’archéologie biblique (BAS). « Hérode a sans doute construit ce grand
port pour satisfaire un besoin pratique, car il n’y avait plus d’ancrage
protégé le long de la route d’Alexandrie, en Egypte, dans les ports de Syrie et
d’Asie mineure », selon BAS.
Une vue aérienne de la ville portuaire de Césarée (Crédit : Moshe
Shai/Flash90)
Après Hérode, la ville maritime et son port massif – le plus grand
de son temps – est devenu le siège du gouverneur romain local.
La construction des digues de la ville était une utilisation
ingénieuse du « béton hydraulique » dense, un mélange de mortier et de sable
volcanique importé d’Italie appelé pulvis puteolanus (extrait près de la baie
de Naples), de la pierre ponce et du calcaire.
« Les Romains ont expédié des milliers et des milliers de tonnes de
ces cendres volcaniques autour de la Méditerranée pour construire des ports de
la côte d’Italie à Israël jusqu’à Alexandrie en Egypte et Pompeiopolis en
Turquie », a expliqué Jackson au Smithsonian Magazine.
Caesarea Maritima (crédit photo: Wikimedia Commons, domaine public)
Selon l’archéologue Kenneth G. Holum, « les hommes d’Hérode ont
construit des digues en posant une série d’immenses blocs de béton au fond de
la mer, formant une chaîne d’îles artificielles qui ont ensuite été rejointes
par une maçonnerie plus conventionnelle. »
Le mélange de l’eau de mer avec la formule de béton a permis une
structure extrêmement stable. Alors que l’eau de mer endommage le béton
moderne, dans le béton romain, le pulvis puteolanus « joue réellement un rôle
dans l’atténuation de la détérioration lorsque l’eau s’y infiltre », a déclaré
Jackson au Smithsonian Magazine.
L’équipe de Jackson a constaté que l’infiltration de l’eau de mer
par le béton « dissout les composants des cendres volcaniques et a permis à de
nouveaux minéraux de se développer à partir des fluides lessivés hautement
alcalins, en particulier la tobermorite et le phillipsite », selon Phys.org.
« Nous examinons un système qui est l’opposé de ce que l’on voudrait
dans le béton à base de ciment. Nous examinons un système qui se développe dans
un échange chimique ouvert avec de l’eau de mer », s’est enthousiasmée Jackson.
Même si Jackson a passé des années à étudier des textes romains à
la recherche de la recette secrète, elle a été « complètement perdue »,
a-t-elle déploré.
Cependant, alors que les ingénieurs en bâtiments modernes
réfléchissent à de nouveaux projets, Jackson a dit au Guardian qu’elle espérait
que son travail ouvrirait leur esprit à de potentiels processus alt-neue,
anciens et nouveaux à la fois.
« Je pense que [notre étude] ouvre une perspective complètement
nouvelle sur la façon de faire du béton, par rapport à ce que nous considérons
comme des processus de corrosion et peut effectivement produire du ciment
minéral extrêmement bénéfique et conduire à une résilience continue, et, en
fait, peut-être même améliorer la résilience au fil du temps », a déclaré
Jackson.
Si le port de Caesarea Maritima est un signe, il serait judicieux
d’écouter nos ancêtres romains.
http://fr.timesofisrael.com/comment-les-structures-romaines-ont-elles-resiste-si-longtemps-une-nouvelle-recherche-donne-des-reponses-concretes/?utm_source=A+La+Une&utm_campaign=13f1cb7f05-EMAIL_CAMPAIGN_2017_07_13&utm_medium=email&utm_term=0_47a5af096e-13f1cb7f05-55586581
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