Le couturier français est décédé d’une « mort naturelle » et de façon inattendue, selon son agent. Il avait encore des projets et devait annoncer de nouvelles collaborations.
Le Monde avec AFP
Le couturier Thierry Mugler, à Montréal, en 2019. MARTIN
OUELLET-DIOTTE / AFP
Le créateur français Thierry Mugler, qui avait régné sur la mode
des années 1980, est décédé dimanche à 73 ans de « mort naturelle », a annoncé
son agent Jean-Baptiste Rougeot à l’Agence France-Presse (AFP). « Nous avons
l’immense tristesse de vous faire part du décès de Monsieur Manfred Thierry
Mugler survenu dimanche 23 janvier 2022 », est-il également écrit sur un
communiqué posté sur le compte Facebook officiel du créateur. « Que son âme
repose en paix. » Selon Jean-Baptiste Rougeot, la mort de Thierry Mugler est
survenue de façon inattendue. Le grand couturier avait encore des projets et
devait annoncer de nouvelles collaborations en début de semaine.
Thierry Mugler était un metteur en scène dans l’âme aussi célèbre
pour sa couture qui a transformé les femmes en créatures fantasmagoriques que
pour ses défilés aux allures de superproductions car pour lui, la mode était un
show. « J’ai toujours pensé que la mode ne se suffisait pas à elle-même et qu’il
fallait la montrer dans son environnement musical et théâtral », a souvent
raconté Thierry Mugler, ancien danseur. « Les défilés d’aujourd’hui sont la
suite de ce que Mugler a inventé. Les collections étaient des prétextes à
défilés », se souvient Didier Grumbach, ancien PDG de Thierry Mugler et
ex-président de la chambre syndicale de la couture.
Elégance structurée
et sophistiquée
Né à Strasbourg en décembre 1948, Mugler est engagé à 14 ans dans
le corps de ballet de l’Opéra du Rhin avant de suivre des cours à l’école des
arts décoratifs de la capitale alsacienne. Il crée déjà ses propres vêtements à
partir de ceux achetés sur les marchés aux puces. A 20 ans, il gagne Paris à la recherche d’un engagement dans un autre corps
de ballet. Il aura plus de succès avec sa garde-robe personnelle. Thierry Mugler
devient très vite styliste free-lance et travaille pour différentes maisons à
Paris, Londres et Milan.
En 1973, il franchit le pas et crée sa propre griffe Café de Paris, avant un an plus tard de fonder la société Thierry Mugler et d’imposer son élégance structurée et sophistiquée, une mode qui exacerbe les formes des femmes : des épaules accentuées par des rembourrages, des décolletés plongeants, des tailles étranglées et des hanches rebondies. « La danse m’a beaucoup appris sur le maintien, l’organisation du vêtement, l’importance des épaules, du port de tête, du jeu et du rythme des jambes », disait le créateur.
Objet de fantasmes, la femme Mugler est un outrage à la pudeur, une
sirène galactique, un robot cybernétique, un animal fantastique… Elle est une «
hell’s angel » dans son bustier Harley-Davidson ou une Marilyn dans un fourreau
en guipure caoutchouc rose chair. Sa couture vit aussi le jour avec des
tailleurs à basques reconnaissables au premier coup d’œil.
« Ma mesure, c’est la démesure »
Mugler, qui a régné sur la mode des années
1980, a le sens du spectacle : pour le dixième anniversaire de sa maison, en
1984, il organise la première présentation de mode publique en Europe, au
Zénith, devant 6 000 personnes, comme un concert de rock. Les billets sont
vendus 178 francs (27 euros) l’unité. Le défilé, placé sous le signe du
liturgique, du divin et du mysticisme, s’est déroulé sur un podium de 35
mètres. Comme d’habitude, il contrôlait tout, des
accessoires à la bande-son. « Ma mesure c’est la démesure », disait-il.
Pour le 20e anniversaire de sa marque, le
créateur choisit le Cirque d’Hiver. Soixante-quinze stars et mannequins, de
Naomi Campbell et Jerry Hall à l’héritière américaine Patricia Hearst,
l’actrice Tippi Hedren et même James Brown en final surgissant d’une étoile
géante au rythme de Sex Machine. Thierry Mugler, qui a lancé en 1978 une
collection pour hommes, bénéficiera d’un formidable coup de publicité grâce au
ministre de la culture Jack Lang dont le costume « col Mao » signé du créateur
provoquera en 1985 un scandale sur les bancs de l’Assemblée nationale.
L’autre grande réussite de la maison Mugler
est sans conteste le lancement en 1992 du parfum féminin Angel, en
collaboration avec Clarins qui est entré dans le capital de l’entreprise avant
d’en prendre le contrôle en 1997. Angel disputera la première place des ventes au mythique No 5 de
Chanel.
Bodybuilding et yoga
En 2013, il a créé des spectacles musicaux à Paris et Berlin dont
Mugler Follies pour « bousculer » l’art de la revue à grand renfort de
transformistes et créatures ambiguës dans un étonnant « hommage à toutes les
beautés ». Après avoir quitté la mode, le couturier a d’ailleurs poussé l’art
de la métamorphose jusqu’à devenir méconnaissable, corps et visage, en ayant
recours au bodybuilding intensif et à la chirurgie esthétique, tout en
s’engageant dans la méditation et le yoga.
« La première urgence était de me réapproprier mon corps, éreinté
par mes années de danse et de couture, comme une renaissance, une façon
d’effacer le passé », a expliqué le couturier, revendiquant « [sa] nouvelle
maison corporelle », et exigeant qu’on l’appela désormais « Manfred T. Mugler
».
Une grande exposition intitulée « Thierry Mugler, Couturissime », conçue par le Musée des Beaux-Arts de Montréal, lui est actuellement consacrée au Musée des arts décoratifs à Paris. Elle avait été lancée fin septembre, au moment où la fashion week renouait avec les défilés après avoir été confinée pendant la pandémie. Un symbole pour celui qui fut le pionnier du défilé spectacle.
Le Monde avec AFP
https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2022/01/24/le-createur-de-mode-thierry-mugler-est-mort-a-73-ans_6110679_3382.html
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