Une fois n'est pas coutume,
la France et la Russie ont de très bonnes raisons de faire un pas vers l'autre.
Par Romain Herreros
REUTERS
Emmanuel Macron et Vladimir
Poutine lors d'une conférence de presse à Versailles le 29 mai 2017.
INTERNATIONAL - L'heure est
au rééquilibrage pour la diplomatie d'Emmanuel Macron. Après sa visite aux
États-Unis marquée par les mises en scène de son amitié avec Donald Trump et
par les procès en infécondité qu'elles ont générés, le chef de l'État se rend
ce jeudi 24 mai à Saint-Pétersbourg en Russie où il rencontrera Vladimir
Poutine, fraîchement réélu pour un 4e mandat.
L'occasion pour le
président français de réchauffer des relations bilatérales qui se sont
sérieusement refroidies depuis la visite de son homologue à Versailles, entre
l'expulsion de diplomates russes en représailles à l'affaire Skripal et les
frappes françaises visant la Syrie, grande alliée de Moscou. Période durant
laquelle le dialogue n'a pas été rompu pour autant, assure l'Elysée qui évoque
des "échanges téléphoniques nombreux et réguliers" entre les deux
hommes.
Malgré ces différends
"parfaitement assumés", les espoirs d'accords sur plusieurs sujets
brûlants (nucléaire iranien, Syrie, Crimée etc.) subsistent côté français.
"Il faut amener dans la discussion à ce que nous puissions avoir sur un
certain nombre de sujets des positions communes, sans pour autant cacher les
désaccords importants", synthétisait mercredi 23 mai le ministre des
affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. Une ligne de crête qui oblige Emmanuel
Macron à jouer la carte de l'apaisement, dans un contexte où Donald Trump a
contraint la France à revoir sa stratégie.
Commun accord
Alors que le président de
la République cherche par tous les moyens à sauvegarder l'accord iranien, les
solutions se trouvent dorénavant à l'Est. D'autant que Paris et Moscou
partagent -une fois n'est pas coutume- "la même appréciation sur le sujet",
rappelle l'Elysée, qui estime que la rencontre de jeudi jettera les bases d'un
sauvetage du traité que Donald Trump veut enterrer, à l'heure où se dessine une
coalition Europe-Chine-Russie pour contester les sanctions économiques
qu'entend imposer Washington.
"Paradoxalement, à
cause de l'histoire sur le nucléaire iranien, nous avons une chance de trouver
de nouvelles bases de coopération entre la Russie et l'Europe", indique de
son côté une source diplomatique russe citée par l'AFP.
En pareilles manœuvres,
chaque détail compte. Et alors que Vladimir Poutine reçoit habituellement ses
homologues sous les ors du Kremlin, Emmanuel Macron sera reçu dans l'ancienne
capitale impériale de la Russie, Saint-Pétersbourg, où se déroule le Forum
économique international dont la France et le Japon sont cette année les
invités d'honneur. Une entorse aux traditions qui s'explique par une volonté
d'efficacité, explique l'Elysée. "Cette décision a été prise d'un commun
accord avec les Russes pour maximiser le temps d'entretien entre les deux chefs
d'État, afin qu'il puissent discuter bien en profondeur", explique
l'entourage du président de la République.
Traduction: les enjeux
dépassent largement les pertes de temps protocolaires. Autre préoccupation
partagée, l'escalade au Moyen-Orient qui découle, en partie, de la question
iranienne et de l'influence de Téhéran dans la région. L'Elysée espère ainsi
que l'émergence de "points d'accord communs" posera les jalons de
"déclarations communes".
Leningrad
Au delà de cet alignement
ponctuel d'intérêts liés à la décision unilatérale des États-Unis, la France
entend sortir de la logique de guerre froide dans laquelle se sont enfermées
les relations franco-russes ces dernières années.
C'est dans cette optique
qu'une séquence mémorielle sera consacrée au siège de Leningrad. En rendant
hommage aux millions de victimes assiégées et affamées par l'armée nazie entre
les années 1941 et 1944, Emmanuel Macron enverra un signal fort à ceux qui, à
l'instar de Jean-Luc Mélenchon en France, estiment que la France sacrifie la
relation franco-russe sur l'autel "de la mouvance atlantiste et
nord-américaine".
Autre geste consenti à
l'égard du Kremlin, le refus, pour le moment, de se joindre au boycott
britannique vis-à-vis de la coupe du Monde cet été. "Ce n'est pas à
l'ordre du jour", évacue l'Elysée, qui ajoute que l'un des nombreux
objectifs de cette visite est justement de nouer des collaborations sur le plan
sportif entre Paris et Moscou, "plus spécifiquement sur le rugby".
De quoi faire de Vladimir
Poutine le nouvel allié privilégié d'Emmanuel Macron? On en est encore loin.
"Il ne s'agit pas d'établir une équivalence entre les États-Unis et la
Russie, mais de créer les conditions du multilatéralisme, dont les deux parties
ont à tirer bénéfice", relativise l'Elysée, qui ajoute que le président de
la République rencontrera au cours de son séjour des représentants d'ONG et des
membres de la société civile russe issues du monde culturel et intellectuel.
Une façon de faire comprendre que la France restera sensible aux questions des
droits de l'Homme, dans un pays qui a souvent envoyé derrière les barreaux des
intellectuels qui gênaient le pouvoir.
https://www.huffingtonpost.fr/2018/05/23/russie-face-a-poutine-macron-veut-corriger-sa-diplomatie-pro-trump_a_23441446/
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