jueves, 24 de mayo de 2018

RUSSIE: FACE À POUTINE, MACRON VEUT CORRIGER SA DIPLOMATIE PRO-TRUMP


Une fois n'est pas coutume, la France et la Russie ont de très bonnes raisons de faire un pas vers l'autre.
Par Romain Herreros


REUTERS
Emmanuel Macron et Vladimir Poutine lors d'une conférence de presse à Versailles le 29 mai 2017.
INTERNATIONAL - L'heure est au rééquilibrage pour la diplomatie d'Emmanuel Macron. Après sa visite aux États-Unis marquée par les mises en scène de son amitié avec Donald Trump et par les procès en infécondité qu'elles ont générés, le chef de l'État se rend ce jeudi 24 mai à Saint-Pétersbourg en Russie où il rencontrera Vladimir Poutine, fraîchement réélu pour un 4e mandat.

L'occasion pour le président français de réchauffer des relations bilatérales qui se sont sérieusement refroidies depuis la visite de son homologue à Versailles, entre l'expulsion de diplomates russes en représailles à l'affaire Skripal et les frappes françaises visant la Syrie, grande alliée de Moscou. Période durant laquelle le dialogue n'a pas été rompu pour autant, assure l'Elysée qui évoque des "échanges téléphoniques nombreux et réguliers" entre les deux hommes.

Malgré ces différends "parfaitement assumés", les espoirs d'accords sur plusieurs sujets brûlants (nucléaire iranien, Syrie, Crimée etc.) subsistent côté français. "Il faut amener dans la discussion à ce que nous puissions avoir sur un certain nombre de sujets des positions communes, sans pour autant cacher les désaccords importants", synthétisait mercredi 23 mai le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. Une ligne de crête qui oblige Emmanuel Macron à jouer la carte de l'apaisement, dans un contexte où Donald Trump a contraint la France à revoir sa stratégie.

Commun accord
Alors que le président de la République cherche par tous les moyens à sauvegarder l'accord iranien, les solutions se trouvent dorénavant à l'Est. D'autant que Paris et Moscou partagent -une fois n'est pas coutume- "la même appréciation sur le sujet", rappelle l'Elysée, qui estime que la rencontre de jeudi jettera les bases d'un sauvetage du traité que Donald Trump veut enterrer, à l'heure où se dessine une coalition Europe-Chine-Russie pour contester les sanctions économiques qu'entend imposer Washington.

"Paradoxalement, à cause de l'histoire sur le nucléaire iranien, nous avons une chance de trouver de nouvelles bases de coopération entre la Russie et l'Europe", indique de son côté une source diplomatique russe citée par l'AFP.

En pareilles manœuvres, chaque détail compte. Et alors que Vladimir Poutine reçoit habituellement ses homologues sous les ors du Kremlin, Emmanuel Macron sera reçu dans l'ancienne capitale impériale de la Russie, Saint-Pétersbourg, où se déroule le Forum économique international dont la France et le Japon sont cette année les invités d'honneur. Une entorse aux traditions qui s'explique par une volonté d'efficacité, explique l'Elysée. "Cette décision a été prise d'un commun accord avec les Russes pour maximiser le temps d'entretien entre les deux chefs d'État, afin qu'il puissent discuter bien en profondeur", explique l'entourage du président de la République.

Traduction: les enjeux dépassent largement les pertes de temps protocolaires. Autre préoccupation partagée, l'escalade au Moyen-Orient qui découle, en partie, de la question iranienne et de l'influence de Téhéran dans la région. L'Elysée espère ainsi que l'émergence de "points d'accord communs" posera les jalons de "déclarations communes".

Leningrad
Au delà de cet alignement ponctuel d'intérêts liés à la décision unilatérale des États-Unis, la France entend sortir de la logique de guerre froide dans laquelle se sont enfermées les relations franco-russes ces dernières années.

C'est dans cette optique qu'une séquence mémorielle sera consacrée au siège de Leningrad. En rendant hommage aux millions de victimes assiégées et affamées par l'armée nazie entre les années 1941 et 1944, Emmanuel Macron enverra un signal fort à ceux qui, à l'instar de Jean-Luc Mélenchon en France, estiment que la France sacrifie la relation franco-russe sur l'autel "de la mouvance atlantiste et nord-américaine".

Autre geste consenti à l'égard du Kremlin, le refus, pour le moment, de se joindre au boycott britannique vis-à-vis de la coupe du Monde cet été. "Ce n'est pas à l'ordre du jour", évacue l'Elysée, qui ajoute que l'un des nombreux objectifs de cette visite est justement de nouer des collaborations sur le plan sportif entre Paris et Moscou, "plus spécifiquement sur le rugby".

De quoi faire de Vladimir Poutine le nouvel allié privilégié d'Emmanuel Macron? On en est encore loin. "Il ne s'agit pas d'établir une équivalence entre les États-Unis et la Russie, mais de créer les conditions du multilatéralisme, dont les deux parties ont à tirer bénéfice", relativise l'Elysée, qui ajoute que le président de la République rencontrera au cours de son séjour des représentants d'ONG et des membres de la société civile russe issues du monde culturel et intellectuel. Une façon de faire comprendre que la France restera sensible aux questions des droits de l'Homme, dans un pays qui a souvent envoyé derrière les barreaux des intellectuels qui gênaient le pouvoir.

https://www.huffingtonpost.fr/2018/05/23/russie-face-a-poutine-macron-veut-corriger-sa-diplomatie-pro-trump_a_23441446/

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