jueves, 29 de noviembre de 2018

POURQUOI COLUCHE EST-IL LA MASCOTTE DES GILETS JAUNES


Des "Restos du cœur" à Ben-Hur Marcel dans "Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ", le parcours et les prises de position de Coluche inspirent ces Français en colère.
Par Anthony Berthelier


Était-il gilet jaune avant l'heure? C'est en tout cas ce que ces Français en colère veulent croire. Depuis le début du mouvement, les photos, vidéos, citations de Coluche et autres références au comique disparu en 1986 fleurissent sur les pages Facebook du mouvement. Certaines sont utilisées pour mieux fustiger le silence des célébrités sur la condition de ces citoyens qui souffrent, quand d'autres servent à montrer que rien n'a changé depuis la création des "Enfoirés" en 1985
Exit les photos de Che Guevara et autres figures révolutionnaires brandies comme totem dans de nombreux mouvements contestataires. Chez les gilets jaunes, c'est l'engagement de Coluche en faveur des plus démunis et ses coups de gueule anarcho-populistes qui s'imposent.

Une sorte de figure tutélaire incontestable qui entraîne avec lui quelques enseignements sur la nature du mouvement, sa composition ô combien hétéroclite et ses revendications.

"Il représentait quelque chose de la révolte, une parole complètement différente", disait de lui son ami Romain Goupil en 2016. Et c'est visiblement cet esprit que les gilets jaunes essaient d'entretenir entre eux en partageant très régulièrement des citations (humoristiques ou non) comme une sorte d'auto-motivation alors que le mouvement tend à s'essouffler sur le terrain malgré le soutien de la très grande majorité des Français.
Au bon souvenir de Coluche
Ces contestataires se retrouvent en effet dans les discours particulièrement virulents de Coluche à l'égard des responsables politiques et sur l'abandon d'une certaine partie de la population. C'est d'ailleurs sur ces deux sentiments que l'humoriste avait fondé sa candidature à la présidentielle de 1981, comme le montre l'extrait ci-dessous de sa déclaration de candidature. Crédité de plus de 10% d'intentions de vote, il avait finalement renoncé à briguer l'Élysée face aux diverses menaces.


"J'appelle les fainéants, les crasseux, les drogués, les alcooliques, les pédés, les femmes, les parasites, les jeunes, les vieux, les artistes, les taulards, les gouines, les apprentis, les Noirs, les piétons, les Arabes, les Français, les chevelus, les fous, les travestis, les anciens communistes, les abstentionnistes convaincus, tous ceux qui ne comptent pas pour les hommes politiques à voter pour moi."

Ces charges anti-élites dont l'artiste était coutumier sont désormais relayées en masse par les gilets jaunes qui sont eux aussi animés par cette défiance envers les gouvernants. "Il aurait pu se lâcher notre Coluche avec Macron", regrette par exemple une internaute en publiant un trait d'humour attribué au comique.
Dans le même esprit, les gilets jaunes ne manquent pas de publier des extraits d'interventions médiatiques ou de spectacles dans lesquels Coluche s'en prend pêle-mêle aux policiers, aux ministres, au président et aux classes supérieures dans leur globalité.
Même le film "Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ" trouve sa place dans les références culturelles de ce mouvement. Dans une scène relayée avec humour par certains internautes on peut voir le personnage faussement niais de Ben-Hur Marcel (joué par Coluche) traiter César (incarné par Michel Serrault) et son consul de "cons." "Vous pensez qu'ils vous prennent pour des cons? Et vous avez raison mais eux aussi. Parce que depuis le temps qu'ils vous prennent pour des cons, vous êtes vraiment des cons", lance-t-il à la foule, vêtu d'une tunique jaune.



Mais au delà de ces envolées anti-élites, c'est aussi le discours humaniste et l'esprit de compassion qui animaient Coluche qui inspirent aujourd'hui les gilets jaunes. Beaucoup relaient notamment les interviews de l'artiste lorsqu'il a créé "Les Restos du cœur" en 1985 ou quand il s'est engagé dans la course à la présidentielle.

"On est dans la merde en France. On est dans la merde. (...) Pour ceux qui sont obligés de rester c'est vraiment le bordel. Il y a une pyramide sociale avec un mec en haut, tout seul: Giscard. Et plus on descend, plus on est nombreux. Et quand on arrive en bas on est vraiment dans la merde", lançait-il avec comme mot d'ordre: "Remuer la merde pour que l'odeur monte jusqu'au nez de ceux qui dirigent". Une ambition qui convainc bon nombre de gilets jaunes, d'autant que dans la suite de la vidéo Coluche demande à ce qu'on arrête de prendre "tout le pognon" des Français. Une revendication qui fait bien évidemment échos à celle du mouvement contestataire qui secoue la France depuis plus d'une semaine.
Où sont les enfoirés?
Ils sont également nombreux à déplorer le silence des artistes actuels face à leur détresse. Beaucoup appellent notamment la troupe des "Enfoirés", justement fondée par l'humoriste à prendre fait et cause pour le mouvement.


Une absence de soutien qui alimente le sentiment d'une France coupée en deux entre ceux qui se battent pour leurs fins de mois et les privilégiés qui mépriseraient le peuple. Et qui rend encore plus ardent le souvenir d'un artiste engagé pour les plus pauvres. "Coluche doit se retourner dans sa tombe" cingle un visuel particulièrement relayé sur les "pages gilets jaunes.
Et les appels - aussi violents soient-ils - de ces gilets jaunes semblent porter leurs fruits. S'ils ne font pas partie de la troupe des Enfoirés, Franck Dubosc et Patrick Sébastien ont toutefois exprimé, ce mercredi 28 novembre leur soutien au mouvement. Des messages d'approbations qui viennent s'ajouter à ceux du chanteur Pierre Perret, de Arnaud Ducret et de Brigitte Bardot. L'acteur de "Camping" a même promis aux gilets jaunes d'en "parler aux copains."

Des soutiens bien accueillis par le mouvement, même si on reste loin du "tous ensemble pour leur foutre au cul" de Coluche.

https://www.huffingtonpost.fr/2018/11/28/pourquoi-coluche-est-il-la-mascotte-des-gilets-jaunes_a_23603541/?utm_hp_ref=fr-homepage

No hay comentarios:

Publicar un comentario