Des "Restos du
cœur" à Ben-Hur Marcel dans "Deux heures moins le quart avant
Jésus-Christ", le parcours et les prises de position de Coluche inspirent
ces Français en colère.
Par Anthony Berthelier
Était-il gilet jaune avant
l'heure? C'est en tout cas ce que ces Français en colère veulent croire. Depuis
le début du mouvement, les photos, vidéos, citations de Coluche et autres
références au comique disparu en 1986 fleurissent sur les pages Facebook du
mouvement. Certaines sont utilisées pour mieux fustiger le silence des
célébrités sur la condition de ces citoyens qui souffrent, quand d'autres
servent à montrer que rien n'a changé depuis la création des
"Enfoirés" en 1985
Exit les photos de Che
Guevara et autres figures révolutionnaires brandies comme totem dans de
nombreux mouvements contestataires. Chez les gilets jaunes, c'est l'engagement
de Coluche en faveur des plus démunis et ses coups de gueule anarcho-populistes
qui s'imposent.
Une sorte de figure
tutélaire incontestable qui entraîne avec lui quelques enseignements sur la
nature du mouvement, sa composition ô combien hétéroclite et ses
revendications.
"Il représentait
quelque chose de la révolte, une parole complètement différente", disait
de lui son ami Romain Goupil en 2016. Et c'est visiblement cet esprit que les
gilets jaunes essaient d'entretenir entre eux en partageant très régulièrement
des citations (humoristiques ou non) comme une sorte d'auto-motivation alors
que le mouvement tend à s'essouffler sur le terrain malgré le soutien de la
très grande majorité des Français.
Au bon souvenir de Coluche
Ces contestataires se
retrouvent en effet dans les discours particulièrement virulents de Coluche à
l'égard des responsables politiques et sur l'abandon d'une certaine partie de
la population. C'est d'ailleurs sur ces deux sentiments que l'humoriste avait
fondé sa candidature à la présidentielle de 1981, comme le montre l'extrait
ci-dessous de sa déclaration de candidature. Crédité de plus de 10%
d'intentions de vote, il avait finalement renoncé à briguer l'Élysée face aux
diverses menaces.
"J'appelle les
fainéants, les crasseux, les drogués, les alcooliques, les pédés, les femmes,
les parasites, les jeunes, les vieux, les artistes, les taulards, les gouines,
les apprentis, les Noirs, les piétons, les Arabes, les Français, les chevelus,
les fous, les travestis, les anciens communistes, les abstentionnistes
convaincus, tous ceux qui ne comptent pas pour les hommes politiques à voter
pour moi."
Ces charges anti-élites
dont l'artiste était coutumier sont désormais relayées en masse par les gilets
jaunes qui sont eux aussi animés par cette défiance envers les gouvernants.
"Il aurait pu se lâcher notre Coluche avec Macron", regrette par
exemple une internaute en publiant un trait d'humour attribué au comique.
Dans le même esprit, les
gilets jaunes ne manquent pas de publier des extraits d'interventions
médiatiques ou de spectacles dans lesquels Coluche s'en prend pêle-mêle aux
policiers, aux ministres, au président et aux classes supérieures dans leur
globalité.
Même le film "Deux
heures moins le quart avant Jésus-Christ" trouve sa place dans les
références culturelles de ce mouvement. Dans une scène relayée avec humour par
certains internautes on peut voir le personnage faussement niais de Ben-Hur
Marcel (joué par Coluche) traiter César (incarné par Michel Serrault) et son
consul de "cons." "Vous pensez qu'ils vous prennent pour des
cons? Et vous avez raison mais eux aussi. Parce que depuis le temps qu'ils vous
prennent pour des cons, vous êtes vraiment des cons", lance-t-il à la
foule, vêtu d'une tunique jaune.
Mais au delà de ces
envolées anti-élites, c'est aussi le discours humaniste et l'esprit de
compassion qui animaient Coluche qui inspirent aujourd'hui les gilets jaunes.
Beaucoup relaient notamment les interviews de l'artiste lorsqu'il a créé
"Les Restos du cœur" en 1985 ou quand il s'est engagé dans la course
à la présidentielle.
"On est dans la merde
en France. On est dans la merde. (...) Pour ceux qui sont obligés de rester c'est
vraiment le bordel. Il y a une pyramide sociale avec un mec en haut, tout seul:
Giscard. Et plus on descend, plus on est nombreux. Et quand on arrive en bas on
est vraiment dans la merde", lançait-il avec comme mot d'ordre:
"Remuer la merde pour que l'odeur monte jusqu'au nez de ceux qui
dirigent". Une ambition qui convainc bon nombre de gilets jaunes, d'autant
que dans la suite de la vidéo Coluche demande à ce qu'on arrête de prendre
"tout le pognon" des Français. Une revendication qui fait bien
évidemment échos à celle du mouvement contestataire qui secoue la France depuis
plus d'une semaine.
Où sont les enfoirés?
Ils sont également nombreux
à déplorer le silence des artistes actuels face à leur détresse. Beaucoup
appellent notamment la troupe des "Enfoirés", justement fondée par
l'humoriste à prendre fait et cause pour le mouvement.
Une absence de soutien qui
alimente le sentiment d'une France coupée en deux entre ceux qui se battent
pour leurs fins de mois et les privilégiés qui mépriseraient le peuple. Et qui
rend encore plus ardent le souvenir d'un artiste engagé pour les plus pauvres.
"Coluche doit se retourner dans sa tombe" cingle un visuel
particulièrement relayé sur les "pages gilets jaunes.
Et les appels - aussi
violents soient-ils - de ces gilets jaunes semblent porter leurs fruits. S'ils
ne font pas partie de la troupe des Enfoirés, Franck Dubosc et Patrick
Sébastien ont toutefois exprimé, ce mercredi 28 novembre leur soutien au
mouvement. Des messages d'approbations qui viennent s'ajouter à ceux du
chanteur Pierre Perret, de Arnaud Ducret et de Brigitte Bardot. L'acteur de
"Camping" a même promis aux gilets jaunes d'en "parler aux
copains."
Des soutiens bien
accueillis par le mouvement, même si on reste loin du "tous ensemble pour
leur foutre au cul" de Coluche.
https://www.huffingtonpost.fr/2018/11/28/pourquoi-coluche-est-il-la-mascotte-des-gilets-jaunes_a_23603541/?utm_hp_ref=fr-homepage
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