DU 16 MARS AU 31 JUILLET 2022
« En réalité, j'étais simplement en avance sur mon temps. À une époque où il n'était encore nulle part question de libération de la
femme, j'ai entrepris ma propre libération. J'ai forgé moi-même mon destin, et
je ne le regrette pas » (Moi, Romy : Le journal de Romy Schneider, éditions
Michel Lafon, 1989)
L'INVENTION DE LA FEMME MODERNE
Quarante ans après sa disparition, Romy
Schneider (23 septembre 1938-29 mai 1982) est toujours aussi aimée et
populaire. Actrice européenne, avec une carrière débutée en Allemagne et
poursuivie en France, elle est devenue une star grâce à des films qui ont
marqué à jamais l'histoire du cinéma.
Pourtant, depuis quelques années, la tragédie de la fin de sa vie
prend le pas sur le reste. Il est toujours plus vendeur de présenter une femme
comme un paquet de névroses, sujette à la mélancolie et désespérée jusqu'à
l'os. Surtout si celle-ci était d'une beauté fracassante et l'une des plus
grandes actrices de l'histoire du cinéma.
Avec Romy, on n'a voulu s'attacher qu'à cela : la tragédie d'une
vie trop courte qui devait obligatoirement cacher d'autres drames, d'autres
douleurs que ses films permettaient d'exorciser, de transcender. Comme si elle
devait à tout jamais payer le prix de sa beauté, de ses amours flamboyantes
avec Alain Delon, de ses films, de sa jeunesse et de sa liberté. Tenter de
retrouver tous les petits cailloux comme des indices qui allaient conduire à
l'issue fatale, c'était écrit, cela ne pouvait que se passer ainsi. Les
États-Unis avaient bien eu leur Marilyn, on pouvait en rêver tout autant.
Mais tout ceci n'est-il pas un peu réducteur pour une actrice
d'exception ? Elle, qui a fait rêver des millions de spectateurs, qui est
devenue la muse d'immenses réalisateurs, et qui par son travail, par sa grâce
face à la caméra, a inventé un style de jeu qu'aujourd'hui encore on admire et
honore.
Alors, si nous tentions plutôt de révéler l'immense actrice qu'elle
fut ? Derrière l'image de la jeune ingénue de ses débuts, dévoiler son goût du
risque et des ruptures, la façon dont elle a bâti sa carrière pour casser
l'image de porcelaine de cette princesse autrichienne grâce à qui elle était
devenue une star a à peine 16 ans. La façon dont elle a pris en main sa
destinée d'actrice et a su, tout au long de sa carrière, aller là où on ne
l'attendait pas, surprendre toujours, se réinventer et s'entourer des plus
grands. Alain Cavalier, dont elle tourna le premier
film, Claude Sautet, bien sûr, Luchino Visconti, Orson Welles, tous s'accordent
à parler de son génie. Dévoiler les secrets de cette virtuosité, son sérieux, qu'elle
mettait en tout et dans son travail en premier. Toujours pleine de trac, de
doutes, elle ne cessait de se questionner sur sa légitimité, son jeu, sa
beauté, son charisme.
Il y avait chez elle une quête d'absolu qui a
sans doute contribué à son génie et à sa grâce.
On peut le découvrir à travers ses lettres et ses notes et
quelques-uns de ses témoignages aux journalistes, dont elle se méfiait
beaucoup. Ce sont pourtant eux, qui depuis près de quarante ans, commentent,
dissèquent et inventent des histoires autour de sa destinée.
Ne serait-il pas mieux de lui redonner la
parole à elle, Romy Schneider ? Tenter de la faire revivre à travers ses rôles, bien sûr, mais
aussi ses textes, ses interviews radios, télévisés, son journal, grâce aux
making-of des tournages où on la découvre vibrante toujours et si gaie,
pleinement heureuse de faire son métier.
Avec une vie si romanesque, des ruptures si marquées, des
rencontres si déterminantes, c'est à nous, à travers cette exposition, de comprendre
de quelle manière elle est devenue cette icône, cette femme moderne qui,
quarante ans après sa mort, fait toujours autant battre les cœurs et dont
l'image, elle, n'a pas pris une ride. La montrer parfaitement vivante, en
pleine lumière, si sensuelle, si belle, et tenter de percer son mystère. En
tout cas, tenter de le faire et surtout, sans effraction.
Clémentine Deroudille Commissaire de
l'exposition.
https://www.cinematheque.fr/cycle/romy-schneider-628.html
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