Par Challenges.
La décision du
Premier ministre Boris Johnson de suspendre le Parlement jusqu'au 14 octobre,
soit deux semaines seulement avant la date du Brexit, a déclenché une vague
d'indignation au Royaume-Uni où une pétition contre cette mesure recueillait
jeudi plus d'un million de signatures.
Un manifestant
portant un masque représentant le Premier ministre britannique Boris Johnson
manifeste devant les bureaux de ce dernier à Downing Street en installant une
fausse pierre tombale, le 28 août 2019 à Londres
AFP - DANIEL LEAL-OLIVAS
La décision du
Premier ministre Boris Johnson de suspendre le Parlement jusqu'au 14 octobre,
soit deux semaines seulement avant la date du Brexit, a déclenché une vague
d'indignation au Royaume-Uni où une pétition contre cette mesure recueillait
jeudi plus d'un million de signatures.
La livre sterling a
chuté de 0,6% face à l'euro et au dollar après l'annonce de la suspension qui a
renforcé l'hypothèse d'un "no deal", faisant craindre des pénuries et
le rétablissement de droits de douane.
Sur le site officiel
petition.parliament.uk, une pétition contre la décision, qualifiée par les
opposants de "coup d'Etat", dépassait jeudi matin les 1,1 million de
signatures. Au Royaume-Uni, toute pétition atteignant
100.000 signatures peut déclencher l'ouverture d'un débat parlementaire.
Des milliers de personnes ont manifesté
mercredi soir à Londres, Manchester, Edimbourg et d'autres grandes villes.
Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées devant le Parlement en
scandant "Arrêtez le coup d'Etat" et en brandissant le drapeau
européen, puis à Downing Street où est installé le Premier ministre.
"Docile" avec Trump
Si le Parlement britannique est habituellement
suspendu en septembre en raison des congrès annuels des partis, l'extension de
cette suspension jusqu'au 14 octobre a été qualifiée de "scandale
constitutionnel" par le président de la Chambre basse, John Bercow.
"C'est un scandale et une menace pour
notre démocratie", a aussi réagi Jeremy Corbyn, le chef du Labour,
principal parti d'opposition. M. Corbyn a écrit à la reine pour lui demander un entretien, selon
une source au sein du Labour. Il espère obtenir le soutien des députés pour
déposer une motion de censure contre le gouvernement, mais devra désormais y
parvenir avant la suspension le 9 septembre.
"Ca va être
très compliqué pour Jeremy Corbyn (...) d'obtenir un vote de défiance (...)
d'autant plus que Boris est exactement ce que le Royaume-Uni cherchait",
s'est réjoui sur Twitter le président américain Donald Trump qui a, à plusieurs
reprises, fait miroiter un accord de libre-échange ambitieux avec le
Royaume-Uni après le Brexit.
"Je pense que
ce que le président américain veut dire, c'est que Boris Johnson est exactement
ce que lui recherchait, un Premier ministre docile qui remettra les services
publics britanniques aux mains des entreprises américaines", a rétorqué
Jeremy Corbyn sur Twitter.
Agitation chez les Tories
Dans les rangs
conservateurs modérés, la suspension a aussi été dénoncée.
L'ex-ministre des Finances Philip Hammond,
opposé à un "no deal", l'a qualifiée de "scandale
constitutionnel".
Et selon plusieurs médias, la populaire cheffe
du parti conservateur écossais, Ruth Davidson, devrait démissionner jeudi. Avec
sa personnalité charismatique, la quarantenaire avait pourtant réussi à
redonner un nouveau souffle au Parti conservateur en Ecosse, dont la Première
ministre Nicola Sturgeon a accusé M. Johnson de se conduire en "dictateur
de pacotille".
Boris Johnson s'est
défendu en affirmant sur la chaîne Sky News que le calendrier fixé
"laissera amplement le temps aux députés de débattre de l'UE et du
Brexit".
Des recours en
justice ont déjà été annoncés, par plus de 70 parlementaires écossais devant la
plus haute instance civile d'Ecosse d'un côté, et de l'autre par Gina Miller,
une femme d'affaires et militante anti-Brexit, devant la justice anglaise.
Pour le quotidien
The Times, la suspension "pousse la Grande-Bretagne au bord de la crise
constitutionnelle", tandis que The Guardian prédisait un "clash
parlementaire historique" alors que des députés hostiles au Brexit
cherchent un moyen de contrer la décision du Premier ministre.
Montrer un front "uni" à l'UE
Boris Johnson a
demandé à la reine Elizabeth II, qui a accepté, de suspendre le Parlement après
les débats du 9 septembre et jusqu'au 14 octobre. La session reprendra avec le
traditionnel discours de la reine, dans lequel elle expose le programme du
gouvernement.
"Les semaines
précédant le Conseil européen (17 et 18 octobre) sont vitales pour mes
négociations avec l'UE", a-t-il souligné, ajoutant: "En montrant
unité et détermination, nous avons une chance de décrocher un nouvel accord qui
puisse être adopté par le Parlement".
La date du retour a été choisie le 14 octobre
pour que le Parlement siège avant le Conseil européen et puisse, en cas d'un
nouvel accord avec l'UE, adopter la loi nécessaire à sa ratification avant le
31 octobre, date à laquelle le Royaume-Uni doit quitter l'UE, selon un
communiqué gouvernemental.
Les députés ont déjà
rejeté trois fois l'accord de sortie de l'UE conclu avec le gouvernement
précédent de Theresa May. Mais ils n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur la
forme que doit prendre le Brexit, voté en juin 2016 par 52% des Britanniques.
Londres et l'UE s'opposent en particulier sur
le sort de la future frontière irlandaise, qui séparera le Royaume-Uni du
marché unique européen.
(avec AFP)
https://www.challenges.fr/monde/europe/brexit-fureur-face-a-la-decision-de-johnson-de-suspendre-le-parlement_671338#xtor=EPR-1-[ChaActu10h]-20190829