domingo, 8 de enero de 2017

L'EXPO POUR LES 60 ANS DE GASTON LAGAFFE À POMPIDOU VOUS RÉSERVE QUELQUES SURPRISES

L'anti-héros est devenu héros: le centre Pompidou propose une exposition originale, entièrement dédiée à Gaston Lagaffe. Qui fête ainsi joyeusement ses 60 ans. Le gentil trublion est toujours d'actualité. Le neuvième art aussi.

Ami d'un chat dérangé et d'une mouette criarde, amoureux timide de M'oiselle Jeanne, créateur d'objets aussi inutiles qu'encombrants, empêcheur de signer des contrats mirifiques, tacheur d'encre indélébile, conducteur sans permis d'une guimbarde aux freins défaillants et surtout glandeur sans pareil, Gaston Lagaffe est né, un peu au hasard, le 28 février 1957 dans les pages du Journal de Spirou sous la plume acerbe d'un des plus grands maîtres de la BD, André Franquin (1924-1997). Belge comme il se doit alors.

Sa carrière dure encore puisque pour célébrer ses bientôt 60 ans, l'anti-héros, "le garçon sans emploi", s'offre pour lui seul une exposition au Centre Pompidou à Paris au sein même de l'immense Bibliothèque Publique d'Information (jusqu'au 10 avril, entrée gratuite (mais file d'attente conséquente, www.bpi.fr) et que son éditeur, Dupuis, en profite pour publier un exceptionnel tirage limité de la série en 22 volumes, bientôt un must de collectionneur.

900 planches cultes
Tout débute dans la rédaction de Spirou comme une blague: Franquin propose d'insérer par-ci, par-là un personnage "sans emploi" particulier: Gaston apparaît pour la première fois, après quelques traces de pas sur le sol, en bordure de page, en costume de ville et noeud papillon, sans la moindre explication. Au numéro suivant, toujours dans un coin de page, Gaston est affalé sur une chaise, cette fois en col roulé et en jean, son uniforme pour toujours. Huit numéros plus tard, première parole: il répond à un Spirou interrogateur "j'attends, j'sais pas..." La semaine suivante, sa carrière prend forme: il renverse de l'encre sur le concours que doit lancer le journal. Et ainsi de suite pour, l'année suivante, devenir le personnage central d'une bande dessinée enfin autonome, trois cases en bas de page fin 1957, en demi-page en 1959 et en pleine page dès 1966. C'est la consécration, d'autant que dans les aventures en un épisode s'ajoutent d'autres personnages récurrents à la personnalité marquée, Mr de Mesmaeker, le patron aux contrats ratés, Prunelle le rédacteur, Mademoiselle Jeanne la secrétaire, Mr Boulier le comptable, Jules de chez Smith le voisin, Longtarin l'agent de police etc... Soit 900 planches. Désormais cultes.

Egalement, au fil des années, se précise le caractère de ce garçon de bureau à la fois très actif dans ses inventions et ses dérangements et très passif dans son travail et ses relations. L'exégèse se veut un peu à l'image des mouvements sociaux des années 1960-80 dans lesquels Franquin semble puiser: pacifisme ambiant, début de l'écologie, stress dans l'entreprise, consumérisme attentif, valeurs individuelles, rejet de l'autorité. Le tout dans un monde de gens cravatés, sérieux et rigoristes. C'est en cela, notamment, que Gaston, gentil subversif, n'est pas seulement de son époque, mais toujours bien d'aujourd'hui.


De 7 à 77 ans et plus
Car ce rebelle, d'ailleurs plus en paroles qu'en actes, se retrouve contemporain de mai 68: est exposée une lettre du siège parisien de l'éditeur datée du 9 mai 1968 –quelques jours avant les événements- mettant en garde les auteurs d'une possible réaction préjudiciable à la publication de la commission de censure (sic!) suite à certains passages marqués "d'irrévérence à l'égard de la police" (re-sic!) dans quelques épisodes si populaires.

Entre deux espaces de lecture de la grande bibliothèque, en suivant les pas marqués sur le sol comme un rappel, le visiteur suit un parcours en quatre étapes, les débuts de Gaston, son monde, l'art de l'auteur et l'engagement, car l'auteur a soutenu des causes, Unicef, Amnesty, Greenpeace... Le tout à l'aide de dessins, planches, extraits, films, photos, albums, souvent inédits. Le lieu n'est pas immense, la scénographie n'est pas originale, les vitrines tassées, mais l'émotion est présente, y compris pour les plus jeunes qui connaissent assez peu ce personnage indolent totalement unique dans le monde de la BD pourtant peuplé.
Le 9e art
Tout cela devrait faire le succès de cette exposition... et les affaires de son éditeur qui trouve là l'occasion de relancer les albums colorés de Gaston. Point d'intérêt non négligeable, en fin de parcours, on peut feuilleter à sa guise et consulter sur écran les aventures de Lagaffe. Joyeuse initiative dans un environnement des plus studieux.

C'est aussi l'occasion de voir ici une nouvelle consécration d'une expression artistique trop souvent considérée comme mineure: après qu'il y ait eu, ces dernières années, des expositions parisiennes dédiées à Spiegelman et Bretécher déjà à Pompidou, mais aussi Moebus à la Fondation Cartier, Crumb au Musée d'art Moderne, Bilal aux Arts et métiers ou Hugo Pratt à feue la Pinacothèque, cette manifestation consacrée à Gaston Lagaffe et celle de Tintin (jusqu'au 15 janvier) au Grand Palais marquent la reconnaissance de cet art, classé neuvième. Le marché toujours à l'affût des modes et des affaires ne s'y est d'ailleurs pas trompé: reléguées des années durant dans des vacations secondaires, les enchères liées à la bande dessinée sont aujourd'hui devenues des musts aux records spectaculaires, avec des prix sans cesse en hausse spéculative: fin novembre, à Paris, Artcurial a adjugé une planche noir et blanc d' "On a marché sur la lune" d'Hergé à 1,55 million d'euros (re re sic!). Et là, ce n'est pas une gaffe de Gaston...


http://www.huffingtonpost.fr/jerome-stern/expo-60-ans-gaston-lagaffe-beaubourg-pompidou/

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