Par Nicolas d'Estienne d'Orves
Le chevalier au cygne
s'avance sur la scène de la Bastille sous les traits
de Jonas Kaufmann.
Un Moyen Âge rêvé, un
christianisme païen, des amours impossibles, des trahisons sournoises, des
idéaux de feu, un orchestre torrentiel, une œuvre-fleuve: voici Lohengrin! Étrangeté de la chronologie, Richard Wagner s'attaque au fils avant le père,
puisque le Chevalier au cygne est le rejeton de Parsifal, auquel le compositeur
consacrera son ultime opéra, trente ans plus tard. Mais à l'époque où il se
plonge dans les vieux poèmes épiques médiévaux, Wagner a trente-deux ans et il
sent une matière à la hauteur de ses aspirations musicales. Nous sommes en
1845…
Trois mois pour écrire le livret, deux ans pour
composer la musique, et voici ceLohengrin «en
boîte» au printemps 1848. Ce serait toutefois oublier que la modernité de
Wagner n'est pas en phase avec les évolutions esthétiques de son époque. La
rapidité de sa progression artistique se cale difficilement sur celle de ses
contemporains. Et il faut toute l'énergie de son futur beau-père, Franz Liszt,
dédicataire de l'œuvre, pour imposer Lohengrin sur
la scène de l'opéra de Weimar, en le dirigeant lui-même le 28 août 1850.
Une création à laquelle Wagner n'assistera même pas! Il lui faudra attendre
1861 pour voir lui-même son œuvre sur scène, à Vienne.
C'est que la vie et l'œuvre de Wagner sont toujours
sur la brèche, toujours en fuite, avec toujours une longueur d'avance.
L'arrivée providentielle de ce deus ex machina nommé Louis II de Bavière
mettra un terme à cette course permanente. C'est précisément en découvrant Lohengrin que
le jeune souverain va connaître son «épiphanie wagnérienne». Bouleversé par
l'histoire de ce chevalier hors du temps et du monde (au point de s'identifier
à lui), «Ludwig» décidera de devenir le mécène quasi exclusif du compositeur
lequel - la musique occidentale doit ici une fière chandelle aux caisses
bavaroises! - en profitera de façon éhontée.
Un concentré de wagnérisme
Reste que Lohengrin est
une œuvre charnière. Le premier opéra de la vraie maturité musicale
wagnérienne, avant que celle-ci ne bascule dans les tourbillons infinis de Tristan et Isolde, composé quelques années plus tard.
Œuvre à la fois séduisante et exigeante, elle offre
un concentré de wagnérisme sans les longueurs ni l'hermétisme des œuvres
postérieures. Rodée à la Scala voici trois ans, la production de Claus Guth a
fait ses preuves, avec le Lohengrin rêvé de Jonas Kaufmann. Il
faut maintenant espérer que ses problèmes aux cordes vocales ne vont pas (à
nouveau) nous priver de la présence du fameux ténor sur la première scène
lyrique française. D'autant qu'avec Philippe Jordandans
la fosse, ce spectacle promet d'être l'événement lyrique de l'année: une
plongée dans le romantisme wagnérien. Aussi croisons les doigts et prions pour
que le Graal Kaufmann ne se noie pas dans les nuées de l'hiver…
http://www.lefigaro.fr/musique/2017/01/15/03006-20170115ARTFIG00005--lohengrin-le-tenor-allemand-jonas-kaufmann-et-son-cygne.php
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