viernes, 20 de enero de 2017

LOHENGRIN: LE TÉNOR ALLEMAND JONAS KAUFMANN ET SON CYGNE


Par Nicolas d'Estienne d'Orves
Le chevalier au cygne s'avance sur la scène de la Bastille sous les traits de Jonas Kaufmann.


Un Moyen Âge rêvé, un christianisme païen, des amours impossibles, des trahisons sournoises, des idéaux de feu, un orchestre torrentiel, une œuvre-fleuve: voici Lohengrin! Étrangeté de la chronologie, Richard Wagner s'attaque au fils avant le père, puisque le Chevalier au cygne est le rejeton de Parsifal, auquel le compositeur consacrera son ultime opéra, trente ans plus tard. Mais à l'époque où il se plonge dans les vieux poèmes épiques médiévaux, Wagner a trente-deux ans et il sent une matière à la hauteur de ses aspirations musicales. Nous sommes en 1845…
Trois mois pour écrire le livret, deux ans pour composer la musique, et voici ceLohengrin «en boîte» au printemps 1848. Ce serait toutefois oublier que la modernité de Wagner n'est pas en phase avec les évolutions esthétiques de son époque. La rapidité de sa progression artistique se cale difficilement sur celle de ses contemporains. Et il faut toute l'énergie de son futur beau-père, Franz Liszt, dédicataire de l'œuvre, pour imposer Lohengrin sur la scène de l'opéra de Weimar, en le dirigeant lui-même le 28 août 1850. Une création à laquelle Wagner n'assistera même pas! Il lui faudra attendre 1861 pour voir lui-même son œuvre sur scène, à Vienne.
C'est que la vie et l'œuvre de Wagner sont toujours sur la brèche, toujours en fuite, avec toujours une longueur d'avance. L'arrivée providentielle de ce deus ex machina nommé Louis II de Bavière mettra un terme à cette course permanente. C'est précisément en découvrant Lohengrin que le jeune souverain va connaître son «épiphanie wagnérienne». Bouleversé par l'histoire de ce chevalier hors du temps et du monde (au point de s'identifier à lui), «Ludwig» décidera de devenir le mécène quasi exclusif du compositeur lequel - la musique occidentale doit ici une fière chandelle aux caisses bavaroises! - en profitera de façon éhontée.

Un concentré de wagnérisme

Reste que Lohengrin est une œuvre charnière. Le premier opéra de la vraie maturité musicale wagnérienne, avant que celle-ci ne bascule dans les tourbillons infinis de Tristan et Isolde, composé quelques années plus tard.
Œuvre à la fois séduisante et exigeante, elle offre un concentré de wagnérisme sans les longueurs ni l'hermétisme des œuvres postérieures. Rodée à la Scala voici trois ans, la production de Claus Guth a fait ses preuves, avec le Lohengrin rêvé de Jonas Kaufmann. Il faut maintenant espérer que ses problèmes aux cordes vocales ne vont pas (à nouveau) nous priver de la présence du fameux ténor sur la première scène lyrique française. D'autant qu'avec Philippe Jordandans la fosse, ce spectacle promet d'être l'événement lyrique de l'année: une plongée dans le romantisme wagnérien. Aussi croisons les doigts et prions pour que le Graal Kaufmann ne se noie pas dans les nuées de l'hiver…


http://www.lefigaro.fr/musique/2017/01/15/03006-20170115ARTFIG00005--lohengrin-le-tenor-allemand-jonas-kaufmann-et-son-cygne.php

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