Le Musée des
Beaux-Arts de Lyon consacre au mésestimé Claude une exposition sobre et
lumineuse. L'occasion de redécouvrir cet empereur romain, et plus largement
tout un univers politique, familial et esthétique
par JEAN-EMMANUEL DENAVE
L'exposition Claude
s'ouvre sur plusieurs extraits de films où apparaissent Claude, Caligula, et
quelques autres figures clefs des débuts de l'Empire romain. Empire qui succède
à une République et qui ne doit pas être compris à la manière où s'organise un
pouvoir royal classique (dans l'empire carolingien notamment), mais comme une
notion expérimentale et tâtonnante où le pouvoir impérial est le fruit d'un
consensus fragile entre le peuple, l'armée et le sénat.
Dans les extraits
cinématographiques, Claude est représenté sous les traits qui lui collent à la
peau depuis des lustres dans les manuels d'histoire romaine : « un être falot,
manipulé par son entourage, boiteux, bègue et un peu stupide » comme le
rappelle Geneviève Galliano, commissaire de l'exposition. Coincé, de plus,
chronologiquement, entre les célébrissimes Caligula et Néron, on ne peut pas
dire que Claude (10 av. J.-C., 54 ap. J.-C.) soit une affiche d'exposition bien
excitante a priori !
Les tables claudiennes
De manière un peu
paradoxale donc, l'exposition Claude s'avère être passionnante ! D'une part,
parce qu'en se centrant sur une figure un peu en creux et non aveuglante (comme
le très controversé Caligula par exemple), elle permet de faire ressortir plus
finement et objectivement les mécanismes du pouvoir impérial, l'importance de
son entourage familial aussi nébuleux que consanguin, les petits et grands
faits historiques (les complots autant que les conquêtes, les luttes intestines
autant que les grands projets architecturaux), la complexité intrinsèque à
l'Empire romain.
D'autre part, parce
qu'en s'appuyant sur des travaux historiques récents, l'exposition remet Claude
à une plus juste place et déconstruit nombre de préjugés. Certes, Claude est
parvenu au pouvoir très tardivement (à cinquante ans en 41) et semble-t-il un
peu par défaut (à l'issu d'un complot contre son neveu Caligula), mais ce natif
de Lyon se révèle être aussi un érudit, un initiateur de nombreux projets d'envergure
(le port d'Ostie, plus grand port du monde romain), un conquérant (le sud de
l'Angleterre en 43) et un réorganisateur du gouvernement.
L'un des points
forts de l'exposition s'articule autour des fameuses "Tables
Claudiennes", plaque de bronze gravée découverte à Lyon en 1528,
rapportant partiellement (il manque le début du texte et une colonne) le
discours prononcé par Claude en 48 devant le Sénat où il soutient la demande
des Gaulois d'accéder au statut de magistrats à Rome et d'entrer au Sénat.
La table fatale
À travers la figure
de Claude, l'exposition du Musée des Beaux-Arts nous raconte une histoire,
celle d'un homme, et celle plus large des débuts de l'Empire romain, et de
nombreuses figures aussi de l'entourage familial de Claude (ses nombreuses
épouses dont Messaline et Agrippine, son fils Britannicus...). La scénographie
sobre (presque effacée) et très claire du parcours permet au visiteur une
double approche : historique mais aussi esthétique et visuelle. Pour cela,
l'exposition démultiplie les médiums : cartes, arbres généalogiques, vidéos en
réalité virtuelle, photographies de
ruines, objets d'époque, statuaire, reconstitution de bas-reliefs, peintures
postérieures représentant des scènes romaines, etc.. Il y a là autant à
apprendre qu'à admirer, en une agréable plongée par les sens comme par la
connaissance dans ces temps antiques. Un petit ensemble de camées venu de
musées viennois constitue l'un des moments esthétiques forts de la visite.
Si cette exposition
dévoile bien des facettes mésestimées de Claude et de l'Empire romain en
général, il demeure que l'histoire antique avance à petits pas et par
hypothèses provisoires, et recèle encore bien des énigmes, telle celle de la
mort de Claude à l'issue d'un banquet et de la consommation d'un plat de
champignons : maladie ou empoisonnement ?
Claude, un empereur au destin singulier
Au Musée des Beaux-Arts jusqu'au 4 mars 2019
Crédit Photo : Bas-relief historique, dit « des Prétoriens », provenant de l’arc
de Claude à Rome, vers 51-52 ap. J.-C, marbre, Musée du Louvre, Département des
Antiquités Grecques, Etrusques et Romaines © RMN-Grand Palais / Hervé
LewandowskiCamée : Claude portant un sceptre, Calcédoine, gris clair. Entourage
argent doré, Kunst Historisches Museum, Photo © KHM-MuseumsverbandClaude, dans
la nudité héroïque, vers 40 ap. J.-C., Gabies, fin du règne de Caligula - début
du règne de Claude, Musée du Louvre, Département des Antiquités Grecques,
Etrusques et Romaines, Photo © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Hervé
Lewandowski
http://www.petit-bulletin.fr/lyon/expositions-article-63146-Claude++un+empereur+depoussiere.html
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