Par Marie-Noëlle
Tranchant
Pas de Mostra de Venise
sans George Clooney: c'est toujours la star hollywoodienne favorite, sur la
lagune. Cette année, l'acteur laisse la place au réalisateur, qui présente en
compétition son sixième film, Suburbicon. Une comédie noire sur un ancien
scénario des frères Coen écrit en 1985.
Ils commencent par planter
le décor: Suburbicon est une petite ville américaine des années 50, vantée par
un catalogue publicitaire: tout confort, charme, tranquillité, sécurité. Le
film va faire voler en éclats cette façade idyllique en révélant peu à peu les
turpitudes cachées, racisme, corruption, cupidité, vices et crimes privés.
C'est une charge contre les «Caucasiens» ordinaires, qui avance d'abord sur un
mode feutré, et finit dans une folie presque dans le Grand guignol. Le film est
inégal, avec de bonnes caricatures mais des baisses de rythme, un côté déjà vu,
mais des trouvailles hilarantes. Et Matt Damon et Julianne Moore font un
excellent couple infernal d'Américains moyens.
«Si vous allez aux
États-Unis, vous vous rendrez compte à quel point le pays est en colère»
George Clooney
George Clooney insiste
pourtant moins sur l'humour que sur la colère: «Aujourd'hui où on parle de faire
l'Amérique great again comme dans les années 50, c'est intéressant de soulever
le rideau pour voir ce qu'il y avait derrière. Et on voit que toutes les
questions qui inquiètent actuellement étaient déjà là. Il faut deux ans pour
faire un film, et en général, les choses ont évolué. Mais l'actualité montre
que ce n'est pas le cas. Si vous allez aux États-Unis, vous vous rendrez compte
à quel point le pays est en colère. Il y a un nuage noir qui plane. Les
institutions fonctionnent, mais les gens sont furieux. Et je ne pense pas que
ce soit une chose négative. Alors, oui, c'est un film en colère. On le voulait
drôle mais en colère».
«C'est le portrait d'une
famille traditionnelle qui contient des éléments d'horreur», renchérit Julianne
Moore, qui joue deux rôles celui de Rose, femme sacrifiée de Matt Damon, et
celui de Maggie, sa sœur jumelle doucereuse et criminelle. «Ce sont des gens
très gentils, assure George Clooney. Mais on voit comment les monstres sont
créés, peu à peu, et se créent eux-mêmes». Le film aborde la question de la
ségrégation, avec l'installation à Suburbicon d'une famille noire. «On a pensé
après-guerre que la question des droits civils allait être résolue, que ça
allait marcher. Mais on s'est aperçu que certaines personnes seulement pouvaient
nager dans la piscine. Il y a les droits et ce qui reste inscrit dans la
mentalité des gens. C'est toute notre histoire américaine, et elle est
compliquée».
Mais il ne veut pas
désespérer: «Le film est basé sur le regard d'un enfant (le fils de Matt Damon,
qui découvre les démons de son père NDLR), parce qu'il montre la violence
contre les personnes sans défense. Et à la fin, on le voit jouer au base-ball
avec son petit voisin noir. On voulait donner l'impression qu'ils ont vécu leur
pire cauchemar, et que quelque chose d'autre est possible, traduit par la
musique d'Alexandre Desplat. Je suis un grand patriote et un grand optimiste:
j'espère qu'ils connaîtront un monde meilleur».
http://www.lefigaro.fr/cinema/2017/09/03/03002-20170903ARTFIG00038-mostra-de-venise-2017-george-clooney-entre-humour-et-colere.php
No hay comentarios:
Publicar un comentario