Par Lucie Rousselle
Quand cotillon rime avec
dépression. Pendant que certains soufflent allègrement dans leurs sans-gêne,
les fêtes de fin d'année donnent sérieusement le cafard à d'autres. Nostalgie,
pression sociétale ou fantasme déçu, deux spécialistes creusent le sujet et livrent
leurs pistes de réflexion.
C'est un fait, tout le
monde n'est pas submergé par la traditionnelle vague d'amour des fêtes de fin
d'année. Il arrive même que les cadeaux, le repas à six plats, les réunions
familiales et les cotillons de la Saint-Sylvestre soient des bêtes noires et en
dépriment plus d'un. On les appelle «natalophobes», comprenez angoissés de
Noël, ou anti-Nouvel An. Comment et pourquoi cette période peut-elle autant
saper le moral ?
Une réalité décevante
Il faut bien le dire, le
temps ne manque pas pour penser aux cadeaux parfaits que l'on va glisser sous
le sapin. Sans compter les guirlandes et autres accessoires de Noël installés
dans les rues dès le mois de novembre. Tout le problème serait d'ailleurs là :
«cette période est souvent fantasmée. On imagine uniquement le grandiose et le
féerique. La réalité vient forcément décevoir cette vision, car rien n'est jamais
parfait», explique Samuel Dock, psychologue clinicien et auteur (1).
Le fantasme découle de ce
que les médias véhiculent. «Il est normal que nos fêtes de fin d'année ne
ressemblent pas aux publicités ou aux films, ce sont des mises en scène et
cette perfection est inatteignable», confirme d'emblée Boris Charpentier,
psychologue et coach. Sans compter que cette attente n'est pas réellement
récompensée en pratique : «les fêtes durent très peu de temps et passent très
vite. On perd rapidement l'objet du fantasme et une frustration peut alors
naître», signale Samuel Dock.
L'injonction au bonheur
Ne rien faire chez soi
renvoie une image de détresse sociale
Samuel Dock
Même déçus par la vitesse à
laquelle s'égraine le mois de décembre, un seul mot d'ordre règne : le bonheur.
Baigner dans la lumière incandescente de l'amour, déborder de projets d'avenir,
rire à tue-tête et être un bon vivant : telle est la liste du parfait
comportement à adopter. «Effectivement, une certaine surenchère entraîne une
compétition dans la fête. On attend de nous de terminer l'année en apothéose.
C'est une contrainte et une vraie norme sociale», déplore Samuel Dock. Il faut
donner le meilleur de soi-même, y compris dans son rôle familial, «être la mère
parfaite qui a pensé au dessert préféré de la tante et qui a dressé une belle
table : voilà ce qui est attendu. Il faut se surpasser dans son propre rôle»,
appuie Boris Charpentier. Force est de constater que cela est vrai. Soyez un
peu d'humeur maussade au réveillon et vous verrez si l'un de vos parents ne
vous le fait pas remarquer...
Cette pression sociétale
encourage aussi chacun à ne pas rester seul le jour de Noël, le soir de la
Saint-Sylvestre et le jour de l'An. «On observe un stress dans l'organisation
de cette période. Il y a l'obligation de faire quelque chose. Ne rien faire
chez soi, renvoie une image très négative, voire même une détresse sociale.
Alors qu'être seul les autres soirs de l'année n'a rien de problématique»,
constate le psychologue Samuel Dock.
Une nostalgie de l'enfance
Adulte, on connaît le prix
de tout cela, rien n'est magique finalement
Samuel Dock
La cause de ce vague à
l'âme peut être dû à l'enfance. La magie des fêtes a-t-elle jamais mieux
fonctionné que sur les enfants ? Lorsque l'on grandit, cette féerie disparaît
évidemment. «On ne la retrouve jamais au cours de sa vie. Une fois adulte, on
connaît le prix de tout cela et rien n'est magique finalement. Pour que ce
moment soit remarquable, il faut l'organiser et le rendre soi-même remarquable.
Certaines personnes ont du mal à faire le deuil de cette désillusion», atteste
Samuel Dock. Dès la prime enfance, la fin de l'année a une saveur particulière
que l'on ne veut surtout pas perdre. Selon Boris Charpentier, il ne faut pas
dresser de parallèle entre les contes enfantins et la réalité, sinon la
déception est assurée.
Les solutions
Une fois les réjouissances
passées, comment faire pour ne plus tomber dans cette déprime passagère ?
D'abord, il est essentiel de déculpabiliser. «Ce n'est pas grave de ne pas
avoir envie de fêter l'année qui s'achève. Il n'y a pas de honte à ressentir
des émotions négatives. Je pense que c'est inéluctable et que tout le monde
ressentira cela dans sa vie», soutient Samuel Dock. Donc, si l'envie manque
d'arpenter les rues à la recherche du cadeau idéal et qu'une soirée passée à la
maison devant un film nous fait de l'œil, «on s'écoute. Rien ne sert de se
forcer, il est inutile de jouer les surhommes heureux, il faut avant tout faire
valoir son désir», encourage le professionnel.
Autre hypothèse : penser à
revoir sa façon de commémorer la période. «Se réapproprier l'événement est une
bonne chose. Ne pas hésiter à bouleverser les habitudes, comme partir en
vacances, par exemple», suggère Boris Charpentier. Ce dernier souligne que ce
phénomène est courant et non isolé : «beaucoup plus de personnes qu'on ne le
croit souffrent en période de fêtes. Il ne faut pas craindre d'en parler par
peur d'être incompris». Bilan, on oublie les téléfilms aux sapins de trois
mètres de haut somptueusement décorés, les rencontres romantiques sous la
neige, et les câlins familiaux en pulls à tête de cerf. Et on part vers des
nouvelles aventures. Ou pas.
http://madame.lefigaro.fr/bien-etre/noel-nouvel-an-pourquoi-les-fetes-de-fin-dannee-en-depriment-certains-151217-146017?utm_source=CRM&utm_medium=email&utm_campaign=[20171219_NL_MADAMEBEAUTE]&een=58d1b8b141cf41443ada93a9618e1e81&seen=6&m_i=bj_XJrFMW%2BgCWoxWO1pcbDFR9c2ndvrYFJbdpXPcE0KnX9cYNklBtJXgnNtpP5a7YCowoDuhiaaISJuc9SQUALQlN1uVIAsnb3
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