Il y a vingt ans mourait
César, l’un des plus illustres et des plus méconnus artistes de son temps.
Illustre, il l’avait été à l’âge de 25 ans, lorsque, « monté » à Paris en 1944,
il avait mis au point sa technique des « fers soudés ». Méconnu, il l’était :
la faconde et la manière d’être affichées en public cachaient une difficulté à
se satisfaire des seules œuvres qui avaient fait son succès.
Loin d’être l’homme des «
Fers soudés », « Compressions », « Empreintes » et « Expansions », César était
resté attaché à une idée de la sculpture peuplée d’un bestiaire et de figures
humaines qu’il voulait à l’égal de celles des maîtres admirés. Moderne, César
l’avait été à l’instar des Nouveaux Réalistes, rejoints en 1960. Inventif,
guidé par la seule logique du matériau, attaché à incarner son temps, il
rejouait son œuvre en gestes novateurs et décisifs qui firent sa notoriété.
Métamorphosant le langage et la pratique de la sculpture, il revenait toujours
aux techniques inventées lorsque, sans le sou, il soudait fragments et déchets
de métal récupérés. Portées par la mythologie du récit de leur conception, Le
Poisson, La Vénus de Villetaneuse, La Ginette en étaient les icônes. Elles
incarnaient ce rapport intime à la création, une praxis qui ne déléguait rien à
la machine et ne devait qu’au pouvoir de ses mains. Plus tard, Le Centaure, en
hommage à Picasso, l’occupa avec passion. César avait aussi le goût du
monument.
De cette opposition entre
un faire artisanal et une pratique fondée sur le pouvoir de la machine et des
techniques industrielles, César fit une dialectique, un va-et-vient, une
méthode, ouvrant ce que son ami Raymond Hains appelait des « chantiers », y
revenant sans cesse, s’inventant des outils, poussant plus loin sa curiosité.
César, devant ses « Enveloppages » de feuilles de Plexiglas, ses « Championnes
» faites de carcasses de voitures accidentées, devant sa « Suite milanaise » de
voitures neuves compressées et laquées, se nourrissait de ses expériences, les
rejouant en autant d’exercices, guidé par une réflexion sur le langage de la
sculpture, à l’ère des temps modernes. À Cluny en 1996, il s’évertuait encore «
à refaire des choses nouvelles ».
Né dans le Paris de
Saint-Germain-des-Prés et de Montparnasse de l’après-guerre, son œuvre était
une perpétuelle remise en question, dans une veine n’ignorant rien de celles de
Picasso, Giacometti, Germaine Richier… Les moments décisifs – qui donnèrent à
son travail une tournure inégalée et lui firent inventer parmi les grands
paradigmes de la sculpture du 20e siècle – auront été rythmés d’œuvres
pérennisant une idée du métier que César lui-même avait contribué à faire
disparaître.
De cette complexité, reste
une œuvre magnifique et inimitable, même si certains ont tôt fait de vouloir la
comparer à d’autres, américaines pour la plupart… Le temps aura passé et avec
lui, celui de juges qui se plaisaient à critiquer l’homme et refusaient de
donner à César la place essentielle que cette rétrospective entend révéler.
Commissaire : Mnam/Cci,
Bernard Blistène
https://www.centrepompidou.fr/cpv/resource/cEoazXR/roK6kj8
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