- Le doyen des
Immortels nous a quittés dans la nuit de lundi à mardi. Il reste dans nos
esprits comme un homme brillant, drôle, cultivé, philosophe et omniprésent dans
la vie intellectuelle française. « Jean d'O » laisse derrière lui une œuvre
conséquente, preuve de l'étendue de son talent.
L'écrivain et académicien
français Jean d'Ormesson est mort dans la nuit de lundi à mardi à l'âge de 92
ans. Le romancier est décédé d'une crise cardiaque à son domicile de Neuilly
(Hauts-de-Seine), a indiqué sa fille, l'éditrice Héloïse d'Ormesson. «Il a toujours
dit qu'il partirait sans avoir tout dit et c'est aujourd'hui. Il nous laisse de
merveilleux livres».
Né en 1925 à Paris, celui
qui avait un savoir encyclopédique inimitable vécut entre les voyages de son
père ambassadeur, en Bavière, en Roumanie, au Brésil. À Munich, il se souvenait
d'une gifle magistrale reçue après avoir applaudi un défilé en 1933. L'écrivain
n'était pas avare en souvenirs, il se rappelait aussi sa rencontre avec le
futur pape Pie XII, devant qui il avait été effronté, et ce dernier lui avait
rappelé avec humour la scène quelques années plus tard. Jean d'Ormesson adorait
raconter des anecdotes, et au micro de RTL, il s'était rappelé une histoire peu
commune. Après avoir évoqué l'épisode en 1914 dans lequel Mme Caillaux avait
tué Calmette, directeur du Figaro, il se souvenait qu'en arrivant en 1974 à la
direction du journal, on lui avait annoncé une dame, une certaine Mme Joseph
Caillaux. En entrant, il l'avait tout de suite reconnu: c'était l'écrivain Jean
Dutourd déguisé en femme et armé d'un pistolet à eau!
Philosophe avant tout
Bien avant de diriger le
Figaro, Jean d'Ormesson, le bac en poche, fait une année d'hypokhâgne, puis
intègre l'Ecole normale supérieure. Les deux écrivains qui lui ont insufflé
l'envie d'écriture sont Brasillach et Jules Romains, à qui justement il
succèdera à l'Académie française. Quand il fait part à Paul Valéry de son désir
de passer l'agrégation de philosophie, le poète pousse des cris horrifiés. Mais
d'Ormesson veut être philosophe, et publie dans la Revue de métaphysique et de
morale un article «Arrivisme, snobisme et dandysme». Jean d'Ormesson restera
toujours philosophe, même dans ses fonctions à l'Unesco, position qui lui
permettra de rencontrer de grandes figures (Borgès, Caillois, Durrell,
Lévi-Strauss, Georges Dumézil). Quand Paul Ricœur lui propose d'enseigner à
Nanterre, il refuse: c'est la conversation qu'il aime.
Écrivain à succès
Le futur académicien
devient célèbre au début des années 70 avec La gloire de l'Empire et Au plaisir
de Dieu. Après quelques romans légers (L'amour est un plaisir, Un amour pour
rien, Les illusions de la mer), Jean d'Ormesson est tenté de jeter l'éponge,
mais change d'avis. C'est ainsi qu'il reçoit le prix du roman de l'Académie
française en 1971 pour La gloire de l'Empire. Lui qui ne manque pas
d'autodérision, il raconte son enfance dans Au plaisir de Dieu, fresque du
XXème siècle, inspirée de son enfance passée au château de Saint Fargeau.
Adapté pour la télévision, le roman conquiert une audience importante, en
offrant une réflexion sur le temps qui passe. Jean d'Ormesson conquiert ainsi
la France entière, ce qui fait dire à Morand: «Ce qui m'amuse devant le succès
de Jean d'Ormesson, ce ne sont pas ses ennemis (il n'en a pas) mais les
méchants: ils n'arrivent pas à le mordre». Écrivain à succès, Jean d'Ormesson
est sur tous les fronts: il écrit pour le théâtre, comme il joue la comédie
(Les Saveurs du palais), où il joue Mitterrand. En 1973 il entre à l'Académie
française. Alors benjamin de la Compagnie à 48 ans, il fait bouger les lignes:
il lutte pour mettre fin à 350 ans de non-mixité en proposant Marguerite
Yourcenar.
Intellectuel engagé
En 1974, il est nommé
directeur du Figaro. Il lui ressemblait par son style élégant, son esprit
cultivé, un je-ne-sais-quoi d'irrévérence. D'abord sur la liste noire du
journal pour avoir écrit, comme critique littéraire, que Brisson, alors
directeur, ne pouvait pas «à la fois être directeur du Figaro et avoir du
talent», Jean d'Ormesson le dirigera finalement pendant trois ans. Il quittera,
en même temps qu'Aron, mais gardera une chronique au Figaro magazine et une
colonne au Figaro littéraire. Avec son collègue et ami, qui ne le juge «pas
trop idiot», ils soutiennent Giscard d'Estaing à la présidence. Il est choisi
par Mitterrand comme contradicteur du traité de Maastricht, et recueille son
dernier entretien à l'Elysée comme président.
Chacun de ses passages à la
télévision est un triomphe (Apostrophes). Enfin, il entrera dans la
sacro-sainte collection La Pléiade en 2015.
http://www.lefigaro.fr/culture/2017/12/05/03004-20171205ARTFIG00041-l-ecrivain-jean-d-ormesson-est-mort-a-l-age-de-92-ans.php
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