EXPOSITION Ce mercredi au
Musée de l'Homme démarre «Neandertal, L'expo», dédiée à notre lointain cousin
aujourd'hui disparu...
Anissa Boumediene
L'homme de Néandertal,
longtemps représenté comme un rustre bas du front, est en réalité un lointain
cousin bien plus proche de nous qu'on pourrait le croire. — STEPHANE DE SAKUTIN
/ AFP
Le Musée de l’Homme
consacre à compter de ce mercredi une exposition dédiée à l’Homme de
Néandertal.
L’Homme de Néandertal a
vécu durant 300.000 ans et a un temps cohabité avec l’Homo sapiens. Certains
d’entre nous auraient même quelques gènes hérités de ce lointain cousin.
Une peau de bête pour
costume de ville, une massue pour accessoire inamovible et une tête velue de
crétin poursuivi par un mammouth : quand on pense à l’Homme de Néandertal, la
représentation commune n’est pas flatteuse. Découvert en 1856 dans la vallée de
Neander, en Allemagne, notre lointain cousin a dès le départ souffert d’une
image de benêt. Heureusement pour les esprits curieux, l'exposition
«Néandertal»*, qui ouvre ses portes ce mercredi au Musée de l’Homme, s’attache
à démonter les clichés et révéler les mystères de cet homme disparu depuis plus
de 35.000 ans.
Le mythe de l’homme-singe bas du front
En feuilletant un magazine
de mode avant de regarder le portrait-robot de Neandertal, on se dit que notre
lointain cousin ne correspondrait sans doute pas aux canons de beauté modernes.
Côté corps, Néandertal ne dépassait pas 1,65 mètre. « Il était petit et trapu,
mais doté d’une musculature puissante », décrit Pascal Depaepe, préhistorien et
co-commissaire de l’exposition. Côté frimousse, « au niveau des sourcils, il
avait un bourrelet sus-orbitaire très prononcé, avait le front aplati et
fuyant, et n’avait pas de menton », poursuit-il. Le tout sur « une tête en
forme de ballon de rugby avec crâne très allongé vers l’arrière ». Pour se
faire une idée, le spectateur pourra observer la star de l’exposition, le crâne
de Neander, découvert en Allemagne au milieu du XIXe siècle, exceptionnellement
prêté par le musée de Bonn. « Le prêt de cette pièce extraordinaire a été
obtenu de haute lutte », insiste Pascal Depaepe, ému à la vue de ce rare
vestige.
Le crâne de Neander,
fragment de crâne de Néandertaliens, est l'une des pièces fortes de cette
exposition. - LVR-LandesMuseum Bonn / Musée de l'Homme
Facilement reconnaissable,
Neandertal est aussi l’objet de clichés tenaces. « Il a été découvert trop tôt,
en 1856, en pleine période de catholicisme triomphant et de classification des
races, situe Pascal Depaepe. Bien avant Darwin et sa théorie de l’évolution ». Dans
ce contexte, Neandertal est vite placé dans la catégorie des sous-hommes. « Il
y a toute une mythologie caricaturale qui s’est bâtie autour de lui, on parle
alors d’homme-singe, de benêt bas du front », déplore le commissaire de
l’exposition.
Un cousin agile et doté d’humanité
Pourtant, il n’en est rien.
Au fil de l’exposition, le visiteur découvre un mobilier archéologique d’une
rare richesse, « des outils, des couteaux : des silex jusqu’alors jamais
exposés au public. Néandertal était très agile et très conscient de son
environnement, il savait bâtir un abri pour protéger son clan du vent. Et il
avait aussi le sens de l’esthétique et de la curiosité », insiste Pascal
Depaepe. Longtemps décrit comme un charognard, il avait par ailleurs « une
alimentation très variée et était en réalité un grand chasseur, tient à
corriger la préhistorienne Marylène Patou-Mathis, également commissaire de
l’exposition. Encore dans les années 1980, des préhistoriens étaient persuadés
que seuls les Hommes modernes étaient capables de chasser de grands animaux ».
Peut-être parce que « la chasse a été
perçue comme une activité noble, bourgeoise, alors imaginer qu’un Néandertalien
en soit capable, c’était pour beaucoup un sacrilège », imagine Pascal Depaepe.
Quitte à s’attaquer aux
clichés, l’exposition démontre que Néandertal n’était pas un (a) brutus tapi
dans sa grotte fuyant les mammouths.
« Les Néandertaliens
prenaient soin les uns des autres. Des fouilles ont révélé qu’ils savaient
soigner des fractures, maîtriser les plantes médicinales, s’occuper de membres
du clan qui étaient dépendants », expose Pascal Depaepe. Et « Néandertal
enterrait ses morts, il avait donc des rites funéraires et était doté de
pensées métaphysiques, complète Marylène Patou-Mathis. Tout cela témoigne d’une
grande humanité, une forme différente mais à la fois proche de notre humanité
».
Mieux que l’Homo sapiens, Néandertal est-il l’Homo bobo ?
Longtemps moqué, Néandertal
est progressivement réhabilité depuis plusieurs années, peut-être parce que nous
ne sommes pas si éloignés de lui. « En 2010, une publication dans la revue
Nature a permis de changer de regard sur Néandertal, rapporte Marylène
Patou-Mathis. Une équipe de chercheurs a étudié des os de Néandertaliens
retrouvés dans la grotte de Vindija, en Croatie, et a découvert que nous, les
Eurasiens, avons hérité de quelques gènes de Néandertaliens ». Un caucasien
peut donc avoir entre 1,5 et 4 % d’ADN néandertalien.
« Néandertal et Homo
sapiens se sont croisés et ont cohabité il y a environ 80.000 ans, au
Proche-Orient, environ là où se situe Israël aujourd’hui. Et si certains
d’entre nous aujourd’hui ont une fraction d’ADN de Néandertalien, c’est qu’il y
a eu des mélanges », complète Pascal Depaepe. Ceux qui ont une fraction d’ADN
de Néandertal seront soudainement plus enclins à le voir autrement que comme un
benêt des cavernes. Ce serait même l’inverse désormais. « Aujourd’hui, nombreux
sont ceux qui n’aiment pas ce que l’on est devenu, estime Marylène
Patou-Mathis. Du coup, Néandertal jouit d’une nouvelle image très vertueuse :
comparé au Sapiens qui détruit la nature, tue les animaux et fait la guerre,
Néandertal s’inscrit dans un mythe nouveau du pacifiste respectueux de la
nature ». Mieux que l’Homo sapiens, Néandertal serait presque en passe de
devenir l’Homo bobo ultime, cet être autrefois tourné vers la nature et attaché
à une alimentation saine, bio, locale et en circuit court. « Il faut arrêter de
vouloir toujours hiérarchiser : Néandertal est différent de nous, martèle la
commissaire de l’exposition. Il n’a été ni inférieur, ni supérieur. C’est fou,
désormais, c’est nous qui voulons avoir quelque chose en nous de Néandertal ! »
https://www.20minutes.fr/sciences/2244931-20180328-expo-musee-homme-commun-homme-neandertal
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