martes, 17 de abril de 2018

LE CENTRE POMPIDOU LANCE LES COMMÉMORATIONS DE MAI 68


Par  Valérie Duponchelle
DÉCRYPTAGE - Comment rendre compte d'un mouvement populaire et culturel, cinquante ans après ? Beaubourg centralise le programme de neuf institutions qui ont planché sur le sujet, de l'université de Nanterre au Palais de Tokyo, en passant par la BNF et les Archives nationales.


Pour fêter ses 40 ans en 2017, le Centre Pompidou avait coordonné tout un cortège d'expositions et de collaborations avec les musées et les centres d'art partout en France. Fort de cette expérience, l'institution récidive pour le 50e anniversaire de Mai 68 (#soixante-huit ou soixantehuit.fr). Même charte graphique pastel, même volonté claire de rassemblement pour annoncer très officiellement in situ, jeudi matin, le programme commun des festivités qui uniront neuf institutions au fil de leurs envies, de leurs couleurs politiques, de leurs souvenirs et de leurs projections personnelles.
Dans l'ordre protocolaire: l'université Paris Nanterre , le théâtre des Amandiers de Nanterre, le Palais de Tokyo, la Cité de l'architecture et du patrimoine, les Beaux-Arts de Paris, le Centre Pompidou, les Archives nationales, la Bibliothèque nationale de France et la Cinémathèque française.

Peut-on institutionnaliser la révolte? N'y a-t-il pas un fossé, voire une contradiction? «Il y a cinquante ans, le mouvement protestataire de Mai 68 retournait les rues de Paris, de Nanterre, et les esprits dans la France entière. En lien avec un vaste mouvement de contestation international, il transformait profondément la société française. Cinquante ans après, les institutions culturelles s'associent et interrogent l'histoire et l'héritage de Mai 68 à travers des rencontres, des expositions, des ouvertures d'archives, des ateliers participatifs, du théâtre, de la musique, des débats, des interventions inédites...» Voici le programme dont le subtexte est aussi intéressant que l'énoncé.

● Université Paris Nanterre

Le 22 mars 1968 à Nanterre est «ancré dans l'imaginaire collectif comme le point de départ d'un large mouvement politique et social». Pour le «célébrer», l'université opte pour une année thématique «1968-2018 Prop'osons!» Soit une déclinaison d'événements, du «Printemps des utopies et des libertés» aux «Déambulations 68» des journées du Patrimoine 2018, pour «réinventer l'esprit de 68» dans un élan volontaire d'«appropriation», mot symptomatique de notre époque (prop-osons.parisnanterre.fr).

Peut-on faire revivre l'esprit du temps passé? À noter que la tâche est difficile. «L'esprit français, Contre-cultures 1969-1989», l'exposition pionnière de la Maison rouge (Paris, XIIe) au printemps dernier était déjà une relecture par de jeunes curators contemporains d'une scène devenue historique et donc lointaine. Beaucoup de ses participants, à commencer par le producteur de cinéma Marin Karmitz, ne s'y sont pas reconnus et ont ouvert le débat.

● Théâtre des Amandiers, à Nanterre

D'avril à mai 2018, le centre dramatique national invite, dans son programme «Mondes possibles», des «créations artistiques dont le point commun est de défricher des territoires utopiques». Participation annoncée du Centre culturel suisse de Paris (Festival Extra Ball avec les frères Chapuisat, le grand Roman Signer), de l'université Paris Nanterre (Global 68) et du Cnap (films d'artistes). En parallèle, la Terrasse espace d'art de Nanterre présentera une exposition collective, «1968/2018, des métamorphoses à l'œuvre», soit une vingtaine d'artistes d'Henri Cueco et la Coopérative des Malassis au Redoutable Jean-Luc Godard.

● Le Palais de Tokyo

Le temple de l'art contemporain à Partis invite le graffeur Escif, né en 1980, à «déployer à l'arrière de son bâtiment une peinture monumentale sur laquelle il va reproduire les écritures qui accompagnaient les révoltes étudiantes de Mai 68 et les graffitis tracés clandestinement par les visiteurs dans les toilettes du Palais» (Open Borders, à partir du 4 mai). L'artiste qui vit et travaille à Valence (Espagne) œuvrera aussi en trompe-l'œil à l'intérieur (portes, escaliers de secours, drapeaux officiels).

● Cité de l'architecture & du patrimoine

L'exposition «Mai 68, L'architecture aussi!» Invite à «revisiter le champs des possibles» (sic) et la «vingtaine d'années, de 1962 à 1984, qui vit le renouvellement de l'enseignement et accompagne celui de l'architecture, de l'urbanisme et des professions qui leur sont rattachées» (du 16 mai au 17 septembre).

● Beaux-arts de Paris

Affiches, peintures, sculptures, installations, films, photographies, tracts, revues, livres, magazines (150 publications consultables dans une bibliothèque ouverte) raconteront ces «Images en lutte: la culture visuelle de l'extrême gauche en France (1968-1974)». À voir au 13, quai Malaquais, VIe, du 21 février au 20 mai. On y retrouvera les affiches de l'Atelier populaire, et notamment les artistes Eduardo Arroyo, Gilles Aillaud, Noël Dolla, Gérard Fromanger, Olivier Mosset, Martial Raysse, Claude Rutault...

● Centre Pompidou

«Institution culturelle dont la préfiguration germe au lendemain de 1968, il y a de l'esprit de Mai dans ce Centre ouvert sur la société», affirme son communiqué. Au programme donc, un revival avec «Mai 68- Assemblée générale», soit une «occupation permanente du Forum sur plus de trois semaines sous forme d'expositions, débats, performances, projections, ateliers, le tout en entrée libre» (du 28 avril au 20 mai).

● Archives nationales

«Dix millions de grévistes, une jeunesse dans la rue, un service public à l'arrêt, une économie paralysée». Avec «68, les archives du pouvoir», les archives nationales proposent de découvrir des documents en grande partie inédits qui montrent 68 «depuis l'autre côté de la barricade, depuis les bureaux de l'administration, de la préfecture ou du pouvoir exécutif» (du 3 mai au 17 septembre sur le site de Paris, du 24mai au 22 septembre sur le site de Pierrefitte-sur-Seine). Cela s'annonce à contre-courant du mouvement général, historique, factuel et forcément passionnant.

● Bibliothèque nationale de France

Le portrait de Daniel Cohn-Bendit face à un CRS par feu Gilles Caron (1939-1970) et La Marianne de 68 de Jean-Pierre Ray constituent «deux exemples caractéristiques de la fabrique des icônes». Avec son fonds extraordinaire et sa rigueur scientifique, la BnF sort l'album du souvenir dans «Icônes de Mai 68, Les images ont une histoire (du 17 avril au 26 août)». À noter, en dehors de ce programme officiel, l'exposition monographique qui sera consacrée ce printemps à Gilles Caron à l'Hôtel de Ville, puisque son travail a défini «la chorégraphie de la révolte», de l'Irlande du Nord aux rues de Paris.

● La Cinémathèque française

Chris Marker (1921-2012) est un mythe absolu dans la petite planète de l'art contemporain qui le met souvent en référence de ses expositions et biennales. Conçue par la Cinémathèque française et coproduite par Bozar (à Bruxelles qui prendra le relais à l'automne, du 19 septembre au 6 janvier 2019), «Chris Marker, l'exposition» rendra hommage à cet écrivain, homme d'édition, réalisateur, voyageur, photographe, musicien et artiste numérique (du 3 mai au 29 juillet). S'y ajoutera la reproduction grandeur nature de la toute première Quinzaine des réalisateurs en Mai 69 (Édition 1969 de la Quinzaine des Réalisateurs, du 28 mars au 15 avril).

http://www.lefigaro.fr/arts-expositions/2018/01/18/03015-20180118ARTFIG00167-le-centre-pompidou-lance-les-commemorations-de-mai-68.php

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