Une exploration
historique des effets spéciaux à l’opéra dans le cadre de notre production de
Frankenstein.
Des premiers
spectacles en Égypte antique aux projections 3D en passant par le monde
gréco-romain, l’époque médiévale, la Renaissance, le Baroque, le Classicisme,
le Romantisme et la Modernité.
Des exemples issus
de l’histoire de la Monnaie.
Un petit avant-goût
des effets spéciaux de Frankenstein.
Évoquant
l’hypocrisie des rapports humains, Blaise Pascal écrivait dans ses Pensées : «
la vie humaine n’est qu’une illusion perpétuelle ». L’ambiguïté de notre nature
où se côtoient les dichotomies les plus extrêmes touche de près notre relation
avec l’art et la technologie. Dans leur interprétation moderne de Frankenstein,
le roman de science-fiction de Mary Shelley, le compositeur Mark Grey et le
metteur en scène Àlex Ollé s’attardent sur le fossé grandissant entre notre
capacité en tant qu’espèce à innover et notre incapacité à comprendre. Mais
plus qu’une simple thématique, la technologie est un outil majeur de cette
production qui bénéficie de nombreux effets spéciaux.
Si, en termes de
technologies scéniques, de nouvelles inventions apparaissent continuellement,
un examen plus approfondi de ces innovations révèle qu’il s’agit le plus
souvent de techniques préexistantes améliorées ou adaptées. Ainsi, pour mieux
appréhender les effets spéciaux contemporains en général et ceux de
Frankenstein en particulier, un petit retour en arrière s’impose…
L’ŒIL D’HORUS
Le peu
d’informations à nous être parvenu sur les origines du théâtre et de son
fonctionnement technique provient de décorations, de peintures murales,
d’artéfacts et de hiéroglyphes remontant à l’Égypte ancienne.
La pratique du
spectacle est un héritage de la tradition orale et des légendes, couplées aux
rituels religieux. Peu à peu, ces derniers n’étaient plus seulement exécutés
pour rendre hommage aux divinités de circonstance mais pour divertir les
participants. On peut retracer certaines performances dès 2500 av. J.-C. aux
festivals d’Abydos, le principal lieu de culte du dieu Osiris, où plusieurs
clans se livraient à une sorte de compétition théâtrale honorifique dont un
seul spectacle devait sortir vainqueur.
La transition entre
cette forme rituelle hybride impliquant une participation massive et une
véritable dramatisation n’est pas entièrement comprise. Néanmoins,
progressivement, la caste presbytérale, les artistes de spectacle vivant et le
public se sont différenciés pour donner naissance au théâtre.
DES GRECS AUX ROMAINS
En Europe,
l’histoire de la technologie scénique remonte aux théâtres grecs du cinquième
siècle av. J.-C. où les règles d’acoustique et de perspective étaient déjà
appliquées avec beaucoup d’adresse. Plusieurs machines participaient à la
création d’effets scénographiques essentiels aux tragédies de l’époque comme
des décorations amovibles sur peaux tendues teintées ou sur des canevas en bois
remplacés en fonction des besoins de la pièce pendant les intermissions. Durant
cette période, les grecs ont inventé un système de changement de décors appelé
périactes, des prismes triangulaires pivotants dont chaque face représentait un
lieu différent et qui étaient placés sur les côtés de la scène. La façade
arrière cachait également d’autres mécanismes tels que la mèchanè, une grue
déjà employée de manière conventionnelle à l’époque d’Eschyle et d’Euripide
pour faire apparaître un dieu (joué par un comédien ou représenté par une
statue) afin de résoudre les complications de l’intrigue. Ce genre de
manifestation divine programmée a finalement pris le nom de « deus ex machina
». Mentionnons encore l’ekkyklêma ou eccyclème, une plateforme roulante et
pivotante située dans l’axe de la porte scénique centrale pour illustrer les
combats aériens de héros ou quelque bataille navale.
La scène surélevée
par rapport au niveau du sol constitue l’une des différences cruciales entre le
théâtre romain et le théâtre grec, favorisant l’utilisation de trappes pour
faire apparaître et disparaître des objets ou des personnages. Le fond de scène
romain était constitué de décorations architecturales très ornementées et la
plupart de effets scénographiques impliquaient de véritables lances, des
torches, des chariots et même de vrais chevaux. Dans son ouvrage De
architectura libri decem, Vitruve mentionne également des décors
interchangeables sans en préciser le mode de fonctionnement.
THE MASTER OF SECRETS…
Au cours de l’époque
médiévale européenne, une forme particulière de drames religieux détaillant
certains passages du Nouveau Testament a permis à l’Église d’enseigner sa
doctrine de façon dynamique à une population majoritairement analphabète. Ces
spectacles, d’abord représentés à l’intérieur des églises, puis dans la rue, se
déroulaient sur les « mansions », de petites structures scéniques où étaient
dépeints les épisodes importants de la Bible. Situées aux deux extrémités de
l’espace de jeu, les mansions du Paradis et de l’Enfer faisaient l’objet
d’effets spéciaux très élaborés. Par exemple, le Paradis contenait souvent des
sphères tournantes qui émettaient une lumière dorée grâce à des torches
habilement dissimulées. L’entrée de l’Enfer, aussi appelée la gueule de
l’Enfer, prenait le plus souvent la forme d’une tête monstrueuse par laquelle
s’échappaient des jets de flammes, de la fumée ainsi que les cris des damnés.
Lors de processions
plus tardives qui se sont ensuite cristallisées sous la forme des « mystères »
du XVème siècle, des structures en formes d’arche remplies d’animaux étaient
placées sur un lit d’eau afin de raconter l’histoire de Noé. Pour la légende de
Jonas, il existait d’ingénieuses maquettes simulant une baleine qui pouvaient
contenir le corps d’un acteur. Les saints, les monstres, les anges et les
démons volaient au moyen d’un système de treuils et de poulies dont les mécanismes
sont devenus incroyablement complexes au fil des siècles, nécessitant parfois
les manœuvres d’une petite vingtaine de personnes. Enfin, pour accentuer
l’horreur des scènes de bûcher, les mannequins figurant la victime étaient
rembourrés avec des os et des entrailles afin d’émettre une odeur réaliste de
corps en train de brûler. Pendant toute cette période, la personne responsable des nombreuses machines et effets
spéciaux utilisés pour les spectacles religieux se faisait généralement appeler
le maitre des secrets……………………
LA FURA DELS BAUS À LA MONNAIE
Explorer les effets
spéciaux au théâtre et à l’opéra ainsi que leur histoire nous fait prendre
conscience de la dépendance technologique de l’art. La science nourrit la scène
lyrique et permet aux artistes d’offrir leur vision lors d’expériences
audiovisuelles toujours plus spectaculaires. Cependant l’opéra conserve une
faculté unique, celle de pouvoir transcender l’ensemble de ces outils par
l’émotion. Si nous rêvons toujours de monstres légendaires, de magie, de lunes
et de poussière d’étoiles, la musique reste le plus sublime détour sur le
chemin tortueux de notre imagination.
https://www.lamonnaie.be/fr/mmm-online/1269-trucs-et-astuces-de-l-impossible
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