Les Arts Décoratifs mettent le
XVIIIe siècle à l’honneur. En consacrant une grande exposition aux
secrets de la laque française, le musée révèle l’engouement pour une technique
qui incarne le luxe et le raffinement. Du plus imposant au plus discret, du
plus somptueux au plus modeste : meubles, panneaux de boiserie, objets
d’ameublement, boîtes et étuis, carrosses et traîneaux dessinent l’histoire
d’une passion largement partagée par une clientèle parisienne et européenne, qui
dépassa celle de la chinoiserie à laquelle cette production sacrifia. La
question particulière du Vernis Martin, expression que seuls les Français
utilisent, pour parler de la laque, soulève de nombreuses interrogations qui
trouvent ici, pour la première fois, des réponses étayées par de nombreuses
études et exemples. Réalisée en collaboration avec le Lackkunst Museum de
Münster en Allemagne, l’exposition, mise en scène par Philippe Pumain, réunit
près de 300 objets.
Vers la fin du XVIIe
siècle, le coût de plus en plus élevé de la production de laque japonais et la
qualité moindre des laques d’importation chinois, amènent les européens à
vouloir s’approprier la maîtrise de cette matière. L’étude de la laque conduit
ainsi d’habiles artisans, tant en Allemagne, en Angleterre et en Hollande,
qu’en France à retrouver cet aspect velouté et profond et à imiter avec talent
les productions orientales. A Paris, de nombreux ateliers de peintres doreurs
-vernisseurs voient ainsi le jour faubourg Saint-Antoine à proximité des
ébénistes – menuisiers, les liant ainsi dès le départ au domaine du meuble.
Parmi les plus célèbres, ceux des frères Martin, rues des faubourgs Saint-Denis
et Saint-Martin, dont la renommée associa le nom à leur technique, puis à
l’ensemble des laques produites en France. Ces vernis, travaillés selon le même
principe de couches superposées que la laque d’Extême Orient, n’ont pourtant
rien en commun avec celle-ci du point de vue de la composition chimique. Ils
sont différents selon les ateliers et leur recette est gardée secrète.
C’est l’introduction
de la couleur qui fait l’une des spécificités de la laque française. Les
compositions de vernis permettent une plus large gamme. Désormais, se
substituent aux fonds noirs et rouges, des fonds jaune, bleu, vert, blanc ou
or. En faisant ainsi évoluer la technique, les peintres vernisseurs, sous
l’impulsion des marchands merciers répondent aux goûts des clients.
L’iconographie s’éloigne peu à peu des scènes et paysages asiatiques pour
intégrer, assimiler l’art des peintres d’alors. Les œuvres de Greuze, Boucher,
Oudry ou Vernet sont les principales sources d’inspiration et recouvrent une
typologie extrêmement variée d’objets. Le vernis Martin sublime ainsi tout type
de supports (bois, métal, argent, céramique, tôle…) et s’applique à toutes les
formes, du plus petit objet au plus grand, de la navette ou bobine de fil aux
pièces imposantes de mobilier, du panneau à la théière en passant par les
horloges, boîtes ou étuis. Les intérieurs des grandes demeures s’en remplissent,
faisant du vernis Martin un témoin de l’art de vivre du XVIIIe
siècle français. Ce siècle des lumières qui aime autant l’art que les sciences,
produit de nombreux instruments de mesure et de musique qui passent également
entre les mains des vernisseurs. Mais la production atteint les sommets du
raffinement à travers les décors qui parent les carrosses et les berlines,
recherchés par toutes les cours d’Europe. Paris dénombre pas moins de 200
ateliers spécialisés dans la production d’attelages.
L’exposition présente les différentes étapes qui ont
conduit les frères Martin et leurs confrères parisiens à élaborer les
techniques. Quelques œuvres introduisent le visiteur dans l’univers des laques
asiatiques afin d’évoquer leur exportation vers l’Europe et la fascination
qu’elles ont suscité. Les autres constituent les jalons de cette étonnante
quête, partie de l’imitation jusqu’à son émancipation.
Curieux paradoxe que cette technique, célébrée par
Voltaire, vilipendée par Mirabeau, pour laquelle, si l’on en connaît bien les
protagonistes, les quatre frères Martin, on ne peut attribuer avec certitude
les œuvres produites par leurs ateliers !
En effet, les Martin, tout comme leurs confrères peintres
doreurs-vernisseurs, ne signaient ni ne marquaient leur production. C’est donc
un défi que se lancent le Lackkunst Museum de Münster et le musée des Arts
décoratifs à Paris en rassemblant pour la première fois un choix d’œuvres
significatives et représentatives de ce qui fut la production des peintres vernisseurs
parisiens.
L’exposition s’accompagne de la publication d’un catalogue
auquel participent différents spécialistes. Il est l’occasion de préciser ce
terme de « vernis Martin » qui, s’il s’avère familier de quelques
professionnels, l’est beaucoup moins du grand public. Quand et comment il s’est
imposé pour désigner une production dont l’exposition s’emploie à définir les
contours. Mais surtout, le catalogue propose pour la première fois un regard
scientifique sur cette technique et les matériaux employés. En effet une
collaboration avec le Laboratoire de Recherche des Musées de France a permis
d’étudier dans le cadre d’une recherche interdisciplinaire associant
physico-chimistes, historiens et restaurateurs la matérialité et les pratiques
artistiques de ces objets vernis afin de comprendre leurs procédés de création
et identifier d’éventuelles spécificités de pratiques en fonction des domaines.
Cette approche est corrélée à leur étude iconographique et
historique.
http://www.lesartsdecoratifs.fr/francais/accueil-292/bandeau-487/francais/arts-decoratifs/expositions-23/actuellement/dans-la-nef/les-secrets-de-la-laque-francaise/
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