RENTRÉE
LITTÉRAIRE - Dans son nouveau roman, l'ancien prix Renaudot romance les
amours de l'auteur de L'Attrape-cœurs et d'Oona O'Neill.
Dans son
nouveau roman, Oona & Salinger, le chroniqueur
littéraire du Figaro magazine, directeur de la rédaction du
magazine Lui, patron du prix de Flore, membre du prix Renaudot, animateur du Cercle sur
Canal +, se met en scène. Rien de nouveau sous le soleil. Avec ce neuvième
roman depuis Mémoires d'un jeune homme dérangé (La Table
ronde, 1990), Beigbeder va pourtant au-delà du
nombrilisme que lui reprochent ses détracteurs. Il se lance dans le (grand)
bain de la fiction. Avec tout de même quelques points de repères non
fictionnels. On lui connaissait une passion pour J. D. Salinger. C'est le point de départ de ce livre. En
mai 2007, il s'est rendu à Cornish, New Hampshire, avec caméra et micro,
pour tenter d'entrer en contact avec l'énigmatique et peu avenant auteur de L'Attrape-cœurs.
Il n'était pas le premier à vouloir débusquer l'homme qui, à la manière de
Garbo, s'est retiré du jour au lendemain de la scène médiatique. Sa quête se
solda par un échec. Mais dans sa déroute, par hasard, il tomba, dans un bar, en
arrêt devant la photo d'une jolie brune, Oona O'Neill. Fille du dramaturge et
Prix Nobel d'origine irlandaise Eugene O'Neill, cette jeune femme croisa en
1940 à New York la route de Salinger. Elle avait 16 ans et lui 21. Dans les
biographies consacrées à l'un et l'autre, on évoque leur rencontre en quelques
pages au maximum, en quelques lignes la plupart du temps.
Il
n'en fallait pas plus au romancier Frédéric Beigbeder pour décider que cette
passade avait été décisive dans la vie de Salinger. Cette love story qui
resta sans doute au stade de «l'amour courtois» trouve son acmé lorsque le
grand jeune homme, gauche, pressé de voir ses textes être publiés dans le New Yorker, las des atermoiements de la gazelle,
s'engage dans l'armée. D'un côté l'insouciance de la jeunesse dorée
new-yorkaise, de l'autre la prise de conscience que le monde court au désastre
et qu'il ne faut pas rester les bras ballants. Salinger intègre l'armée en 1942
et se retrouve en première ligne le 6 juin 1944. Sa guerre, qui se
poursuivra jusqu'en Allemagne où il découvrira, lui, le Juif américain,
l'horreur des camps, le marquera à jamais. Pour éviter de sombrer, il inondera
de lettres son amour lointain, perdu, idéalisé. N'ayant pas été autorisé à
consulter les lettres de Salinger à Oona, Beigbeder les a imaginées. Il fallait
du culot pour oser la démarche, pour s'emparer de cette voix tour à tour
amoureuse, blessée puis en colère lorsque le futur écrivain découvre que la
jeune merveille, partie faire carrière à Hollywood, a succombé au charme de Charlie
Chaplin, qui pourrait largement être son père.
Rentré
brisé de la guerre, Salinger chercha le réconfort auprès de très jeunes femmes
puis se retira complètement du jeu. À la fin de livre, Beigbeder raconte une
scène de réveillon, en 1980, à Verbier dans le Valais. Dans une boîte de nuit,
passablement ivre, il s'écroule sur la table d'une femme «très chic aux cheveux
poivre et sel attachés en chignon» qui n'est autre qu'Oona. Chaplin est mort
des années plus tôt après lui avoir fait huit enfants. À ses côtés, un «petit
homme qui ressemblait à un bouledogue en veste de velours rouge», Truman
Capote. La scène est trop belle pour être vraie. Mais qui s'en
soucie? Beigbeder a réussi son coup. Tout en parlant de lui («Je serais
toujours un sale gosse dans un corps de vieux»), il a écrit de belles et
grandes scènes de guerre et d'amour, croqué les mythiques Hemingway, Capote, Chaplin
tout en rendant Salinger humain et touchant. Qui dit mieux?
http://www.lefigaro.fr/livres/2014/08/21/03005-20140821ARTFIG00019--oona-amp-salinger-de-frederic-beigbeder-salinger-amoureux.php
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