Donation Lydie Lachenal
La donation par Lydie
Lachenal, fille de l’artiste, de dix tableaux de Léon Weissberg peints en 1942
permet de témoigner de sa force intacte de création dans les derniers mois de
son existence, tout autant que de compléter le fonds d’œuvres de Weissberg conservé
par le mahJ.
Né en Galicie, alors dans
l’Empire austro-hongrois, Weissberg (Przeworsk, 1895 – Maïdanek, 1943) entre,
en 1911, à l’école des Beaux-Arts de Vienne puis, en 1919, à l’académie royale
de Peinture de Munich. À la fin de ses études, il entreprend plusieurs voyages,
notamment en Hollande où il découvre l’œuvre de Rembrandt qui l’influencera
longtemps. Il s’installe à Paris en 1923 et se lie d’amitié avec de nombreux
peintres que l’on rattache au cercle de l’École de Paris, et notamment Sigmund
Menkès (Lviv, 1896 – New York, 1986), Alfred Aberdam (Lviv, 1894 – Paris,
1963), Joachim Weingart (Drohobytch, 1895 – Auschwitz, 1942) avec lesquels il
forme le « groupe des Quatre ». Il expose dès 1925 dans plusieurs salons et
galeries parisiennes, notamment au salon d’Automne, à la galerie Zak ou encore
la galerie Bonaparte. En 1935, il fonde l’association des Artistes juifs de
Paris en réplique aux violences antisémites en Allemagne.
En 1942, Léon Weissberg est
en résidence forcée à Entraygues-sur-Truyère, dans l’Aveyron, souhaitant
demeurer proche de sa fille, alors collégienne à Rodez. L’artiste réside dans
l’auberge du village, et survit grâce à un contrat avec le marchand Vladimir
Raykis, qui vend certaines de ses œuvres aux États-Unis. Les tableaux, qu’il
parvient à produire dans ces conditions précaires sur des matériaux de
récupération (carton, fibrociment), frappent par la vivacité de leurs couleurs
et des thèmes abordés : paysages riants, jeunes filles, mais aussi de nombreux
clowns qui reviennent de façon obsédante. Double ambivalent de l’artiste, le
clown semble répondre au besoin d’évasion de Weissberg, tout autant que
souligner son profond désespoir.
En effet, cette année-là,
il peint également Le vieux clown, connu comme l’unique autoportrait de sa
production. Se représentant arborant une collerette de Pierrot, l’artiste nous
adresse un regard meurtri et saisissant. Se faisant, il s’inscrit dans une
histoire de l’art qu’il connaît parfaitement, celle qui, depuis le Pierrot de
Jean-Antoine Watteau jusqu’aux clowns et acrobates de Pablo Picasso, associe la
figure de l’artiste à la mélancolie affleurant derrière le personnage de
l’amuseur public. « Le clown est le révélateur qui porte la condition humaine à
l’amère conscience d’elle-même. », affirme Jean Starobinski dans son essai
Portrait de l’artiste en saltimbanque (1970). Quelques mois plus tard, le 18
février 1943, deux gendarmes viennent arrêter Weissberg. Il est interné à Gurs,
puis à Drancy. Le 6 mars 1943, il est déporté sans retour par le convoi n° 51
et assassiné à Maïdanek. Son atelier parisien sera pillé sous l’Occupation et
ses tableaux dispersés.
https://www.mahj.org/fr/programme/leon-weissberg-entraygues-1942-donation-lydie-lachenal-74298
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